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DOSSIER : Hollande et Gattaz à l’assaut

C’est quoi cet état d’urgence ?

Mis en ligne le 11 février 2016 Convergences Politique

Carte blanche donnée aux flics…

  • Assignations à résidence ;
  • perquisitions de nuit comme de jour ;
  • interdictions de manifestations et rassemblements ;
  • renforcement des pouvoirs des préfets ;
  • mise en place éventuelle de couvre-feux, possibilité de créer des zones de sécurité ;
  • interdiction éventuelle de réunions « de nature à provoquer ou à entretenir le désordre » ;
  • fermeture éventuelle de salles et lieux de réunion, de sites internet.

… et généralisation de pratiques existantes

Il faut bien avouer que, jusque-là, police, justice et gouvernement ne se sont pas trop gênés pour faire tout cela, chaque fois que ça les arrangeait. De l’emprisonnement d’un Julien Coupat, accusé, en 2008, de « terrorisme » pour une simple dégradation d’une ligne TGV dont la police n’a jamais trouvé l’auteur, à l’arrestation, l’automne dernier, de six militants d’Air France pour une chemise déchirée. Quant aux écoutes téléphoniques illégales, elles ont toujours été monnaie courante dans la police.

De l’aveu même de l’ancien juge anti-terroriste Marc Trévidic, l’arsenal juridique existant donnait déjà largement à la police les moyens de traquer les terroristes. Et ajoutons que pour dépasser ce cadre existant, les juges eux-mêmes ont toujours couvert des procédures illégales. Le contrôle judiciaire des enquêtes policières, que l’état d’urgence a suspendu, avait donc déjà bien des limites. Pour une raison simple : la solidarité de classe entre responsables de la police et de la justice, tous tenants de l’ordre social.

Une famille tchétchène : « J’ai cru que les Russes revenaient »

Quelques journalistes, comme ceux de l’Observatoire de l’état d’urgence, un blog associé au journal Le Monde, et des organisations comme le Syndicat de la magistrature ou la Ligue des droits de l’homme ont publié des informations permettant de tirer un bilan de ces mesures d’exception depuis leur instauration en novembre dernier.

Un bilan fracassant si on compte le nombre de portes, mais ridicule dans la prétendue recherche de personnes impliquées de près ou de loin dans le terrorisme. Seules 25 des 3 000 perquisitions ont à voir avec des infractions liées au terrorisme… limitées à de simples propos d’apologie du terrorisme dans 21 de ces 25 cas. La police a donc défoncé autour de 3 000 portes, et menotté plusieurs centaines de personnes – le ministère de l’Intérieur interpellé par des associations a depuis émis une circulaire rappelant les flics à l’ordre, la pratique étant interdite – pour déboucher sur le chiffre dérisoire de quatre enquêtes antiterroristes. Dans bien des cas, les victimes et témoins de ces scènes en sont restés traumatisés, comme cette mère de famille tchétchène réfugiée en France qui confie à un journaliste : « J’ai cru que les Russes revenaient ».

De même, le ministère de l’Intérieur se gargarise d’avoir saisi 500 armes. Mais rien n’indique que celles-ci allaient servir à un attentat. Un collectionneur un peu excentrique s’est vu confisquer 200 de ces armes, soit 40 % du total. Et s’il a été condamné, c’est d’abord parce qu’il faisait pousser du cannabis chez lui.

Par contre, l’assignation à résidence s’est abattue de manière scandaleuse sur 24 militants écologistes pour les bâillonner en pleine conférence sur le climat.

Festival des bavures

Le préfet du Val-d’Oise résume benoîtement le but : il s’agissait de « taper large », pour rassurer l’opinion. La police a immédiatement saisi l’opportunité. Si elle a ciblé parfois les petits trafiquants sur le compte desquels elle manquait de preuves, elle a aussi commis pas mal de bourdes grossières. Ainsi, un responsable associatif connu des services de police – suprême ironie – comme un interlocuteur dans le règlement des problèmes de délinquance a été perquisitionné et assigné à résidence. Tout comme un autre assigné, qui, lui, a réussi à faire casser son assignation : il avait été victime d’une dénonciation calomnieuse. La police a également réglé des comptes avec les militants d’extrême gauche, tels ces militants rennais littéralement agressés par les flics venus perquisitionner leur appartement.

Est-ce que le contexte des attentats peut expliquer en partie la nervosité de flics qui par exemple ont tué le 3 décembre à Rennes Babacar Guèye, un jeune homme pris d’une crise de panique ? C’est déjà douteux. Mais la recrudescence des violences policières relève avant tout d’une stratégie visant à montrer partout l’autorité de l’État, d’un côté face aux opposants à la COP 21, de l’autre face aux habitants des quartiers populaires. Finalement, les bavures ne sont pas inutiles : elles montrent que l’État est d’une certaine manière prêt à tout.

Véritables cibles

En légalisant toutes ces méthodes, Hollande et Valls font un geste politique, et électoraliste, pour concurrencer la démagogie sécuritaire de la droite et de l’extrême droite. Mais pas seulement : ces pratiques arbitraires généralisées, inefficaces contre le terrorisme, peuvent très bien servir contre tout mouvement social. On en a déjà eu un petit avant-goût : les arrestations à Air France, les condamnations de travailleurs de Goodyear ou les gardes à vue pour une simple manifestation contre le cinéma de la COP 21. Le maintien de l’ordre social, la lutte contre le « terrorisme » des salariés face à leurs patrons, c’est bien cela que pourrait viser en tout premier la pérennisation de cette loi d’exception.

Mathieu PARANT

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Numéro 103, janvier-février 2016

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