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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 62, mars-avril 2009

Bolivie : Succès électoral de Morales, qui ne règle rien

Mis en ligne le 7 mars 2009 Convergences Monde

Le 25 janvier 2009, le nouveau projet de constitution présenté par Evo Morales était approuvé par 61,43 % des électeurs. C’est un succès électoral du régime, puisque Morales n’avait été élu en 2005 qu’avec 57,3 % des suffrages. Le point le plus important… pour Morales est qu’il pourra solliciter un nouveau mandat aux prochaines élections présidentielles, alors que l’ancienne constitution interdisait la réélection du même président.

Une réforme agraire virtuelle

Pourtant, ce succès n’a pu être obtenu que grâce à un compromis signé avec une partie de la droite le 25 octobre 2008, compromis qui élimine de la constitution la plupart des éléments pouvant gêner la bourgeoisie et les propriétaires fonciers. Par exemple, si les électeurs se sont prononcés majoritairement pour une limitation de la propriété foncière à 5 000 hectares, cette disposition n’est pas rétroactive et ne s’appliquera qu’aux propriétés acquises… après le référendum. Or certains latifundiaires de l’Oriente possèdent jusqu’à un million d’hectares ! On comprend que les paysans sans terre de cette région soient en colère. Certains ont déjà entrepris des occupations de terres, et le vice-président Garcia Linera les a menacés de répression.

Le référendum n’a pas davantage réglé le conflit qui oppose le gouvernement central aux riches provinces de l’Oriente qui revendiquent l’autonomie, la droite reste majoritaire dans les régions de Santa-Cruz, du Beni, de Tarija et de Pando (où un terrible massacre de paysans a été perpétré par les hommes du préfet à la solde des oligarques). Dès le lendemain du référendum, les partis de droite se sont empressés de demander des négociations pour établir un nouveau compromis ! De son côté, le patronat a lancé un appel à l’union nationale face à la crise pour mettre fin à la « bi-polarisation » du pays.

Sur le front social, le gouvernement doit faire face au mécontentement des travailleurs. La crise frappe durement la Bolivie. La hausse des prix des produits de première nécessité rend la vie très difficile, la malnutrition augmente de façon catastrophique et la baisse des prix des minerais affecte les revenus des mineurs dont les salaires sont souvent calculés en fonction de la production et des ventes. Face aux réactions des travailleurs, le gouvernement répond de plus en plus souvent par la répression. Début janvier, les brigades anti-émeutes ont ainsi été envoyées contre les employés de la Caisse nationale de santé qui occupaient le siège de cette institution pour dénoncer la corruption de la direction, exiger la transparence sur les comptes et le contrôle sur la répartition des médicaments. Plusieurs militants syndicalistes sont poursuivis par la justice, en particulier quinze mineurs de Huanuni qui avaient participé au blocage d’une route au cours duquel la police avait tiré sur les manifestants, tuant deux d’entre eux.

Si le gouvernement peut compter sur le soutien de la direction nationale de la centrale syndicale COB pour essayer de freiner les revendications ouvrières, plusieurs secteurs de la confédération contestent sa politique et ont même refusé de soutenir le nouveau projet de constitution, en particulier le syndicat des enseignants et une partie de celui des mineurs. Les 4 000 mineurs de Huanuni, à la suite d’une assemblée générale et de débats acharnés, viennent d’ailleurs d’élire une nouvelle direction plus radicale qui affirme vouloir préserver l’indépendance de classe face au gouvernement.

Corruption et scandales

La situation est d’autant plus délicate pour Evo Morales qu’il doit faire face à une série de scandales retentissants, dont le plus significatif est celui qui atteint Santos Ramirez, sixième président de la compagnie nationale YFPB depuis la nationalisation (théorique) des hydrocarbures. Celui-ci aurait touché d’énormes pots de vins pour attribuer des champs pétroliers à diverses compagnies étrangères, 450 000 dollars en liquide ont été retrouvés à son domicile à la suite d’un cambriolage rocambolesque. Or Ramirez, ancien syndicaliste et dirigeant du MAS, passe pour le numéro trois du régime, après Garcia Linera et Morales. Dans cette affaire sordide, il est tout aussi significatif que sont mouillés non seulement des dirigeants du MAS, mais des politiciens de droite et des oligarques de Santa-Cruz. Le ministre des douanes et celui des forces navales (bien que la Bolivie n’ait aucun accès à la mer…) ont aussi été impliqués dans des trafics divers, notamment de contrebande avec le Brésil.

En Bolivie, la corruption est un mal endémique. Le clientélisme est un système de gestion de l’État. Le gouvernement n’hésite pas à « acheter » des opposants, des syndicalistes combatifs, des dirigeants d’associations, comme ceux des associations de quartier de El Alto, la banlieue populaire de La Paz, en leur attribuant des postes bien rémunérés qui leur permettent de placer à leur tour leurs amis et les membres de leur famille. Les députés fraîchement élus à l’assemblée du MAS avaient défrayé la chronique en se votant, parmi les premières mesures, la dotation à chacun d’eux d’un téléphone portable ultrasophistiqué, dont le prix représente plusieurs années de salaire d’un ouvrier.

Ces scandales portent gravement atteinte à la crédibilité du gouvernement au moment où Morales espère pouvoir prendre un nouveau départ grâce à son succès électoral. Seul le contrôle de la population sur les élus pourrait bien évidemment endiguer cette corruption, particulièrement révoltante dans cette période de crise. Mais de ce contrôle ni le MAS ni Morales ne veulent car leur objectif est d’essayer de gérer les institutions au prix de compromis avec la bourgeoisie, les propriétaires fonciers et les oligarques, compromis qui ne peuvent se faire à terme que sur le dos des ouvriers et paysans boliviens. Reste que ceux-ci ont montré plus d’une fois qu’ils étaient capables de s’organiser et de se mobiliser malgré des obstacles d’une autre ampleur que les discours populistes et indigénistes de Morales.

24 février 2009

Georges RIVIERE


Morales à la recherche d’alliés

Le 16 février, Morales rencontrait Sarkozy à l’Élysée. Si, en France, l’événement est passé inaperçu, éclipsé par la grève générale en Guadeloupe, en Bolivie, la presse a salué l’appui accordé par le président français à son homologue bolivien et a montré les deux hommes dans les bras l’un de l’autre, tout sourire déployé. Sarkozy aurait-il été touché par la grâce de l’indigénisme ? En fait, son objectif essentiel était… de présenter son ami Bolloré à Morales. Bolloré lorgne en effet sur le gisement de minerai de lithium, un des plus importants du monde, qui vient d’être découvert à Uyuni, une région désertique et misérable à la frontière du Chili. Or des compagnies nord-américaines aimeraient elles aussi mettre la main sur ce pactole, car le cours de ce minerai a connu une ascension fulgurante en raison de l’augmentation de la fabrication de batteries.

Les affaires continuent pendant la crise et Morales s’efforce de trouver des alliés pour compenser l’hostilité des États-Unis. Sarkozy en a profité pour lui vendre quelques hélicoptères, comme Poutine l’avait fait la veille. L’État français se chargera aussi de créer une école pour former… de futurs fonctionnaires boliviens. La presse bolivienne ne précise pas si les policiers feront partie du lot. Au-delà des grands discours nationalistes et des cérémonies en costumes traditionnels, Morales est donc prêt à accorder des concessions minières et des brevets de défenseurs des droits des peuples à des personnages comme Sarkozy et Poutine.

G.R.

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