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DOSSIER : Municipales, le mythe de l’élection et de la gestion démocratiques

Bienvenue dans mon fief !

Mis en ligne le 17 janvier 2008 Convergences Politique

On pourrait penser que les élections municipales servent à élire un conseil municipal représentatif des différentes sensibilités des électeurs, composé de conseillers dévoués à leur tâche et présidé par un maire sous leur contrôle. On pourrait croire que le maire est un citoyen proche de sa population, fin connaisseur de sa commune et soucieux de rendre des comptes à ses administrés. On pourrait enfin imaginer que les élections municipales sont démocratiques, une des rares institutions où le peuple pourrait enfin se gouverner lui-même. Il n’en est rien ! Une ingénieuse combinaison de réglementations et de lois verrouille l’institution pour en faire un plébiscite et gâteau pour notables des partis traditionnels, ceux qui possèdent déjà le pouvoir à tous les autres échelons de la société.

« Démocratie verrouillée »

Aux municipales, nous votons selon des modalités fonction de la taille des communes.

Dans celles de moins de 3 500 habitants, c’est le scrutin majoritaire et les voix sont décomptées par candidats et non par listes. Pour être élu au premier tour, un candidat doit obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de suffrages égal au quart de celui des électeurs inscrits ; deuxième tour, la majorité relative suffit.

Dans les communes de plus de 3 500 habitants, conseillers sont élus au scrutin de liste à 2 tours, avec une légère dose de proportionnelle mais une grosse prime pour la liste arrivée en tête. Celle-ci (majorité absolue au premier tour ou majorité relative au second) se voit attribuer la moitié des sièges à pourvoir, plus un. L’autre moitié est répartie à la proportionnelle entre l’ensemble des listes ayant obtenu un minimum de 5 % des voix. Cela signifie que la liste majoritaire détient au final, dans la plupart des cas, au minimum 75 % des sièges, un peu moins mais largement plus de 60 % s’il reste 3 ou 4 listes concurrentes au second tour. Le conseil municipal est donc une représentation très déformée de l’électorat et le parti majoritaire fait élire le maire de son choix.

Et pour s’assurer que les petits partis ou militants associatifs ne viennent pas jouer les trouble-fête et parasiter l’entre soi du conseil municipal, la loi exige qu’une liste ait obtenu plus de 10 % des suffrages exprimés au premier tour pour se maintenir au second, ou lui accorde à la rigueur, si elle dépasse les 5 %, le droit d’aller renflouer l’un des grands partis par une fusion.

Voilà comment les grands partis bourgeois monopolisent les municipalités. Ajoutons que les frais de propagande doivent être avancés par les candidats et ne sont remboursés par l’État que si la liste obtient plus de 5 % des voix.

Sinécures pour gros bonnets…

Si l’élection ressemble à un parcours du combattant – pour les petits partis s’entend –, la démocratie s’arrête là : la majorité du conseil élit le maire ; lui seul a les pleins pouvoirs dans la commune. Même ses adjoints n’ont d’attributions que par délégation du maire, qui peut la leur retirer du jour au lendemain.

Une fois arrivé aux affaires de façon aussi cavalière, le maire peut jouir en toute tranquillité de prérogatives étendues pour gérer les affaires de son fief. Avec une limite, et de taille : aucun contrôle des électeurs, mais la tutelle de la préfecture.

Elu pour 6 ans, il peut cumuler son mandat avec d’autres sièges électifs ou d’autres responsabilités politiques et faire de sa mairie un tremplin pour ses ambitions politiques. Son mandat est renouvelable indéfiniment. Enquête menée : durée moyenne des mandats est de 9 ans et les réélections loin d’être l’exception. Après avoir été élu maire du Grand-Quevilly en 1935, le socialiste Tony Larue, mis à l’écart seulement sous Vichy, a retrouvé son siège de 1947 à 1995. À Bordeaux, le gaulliste Jacques Chaban-Delmas a occupé la mairie de 1947 à 1995, une longévité qui l’a fait surnommer le Duc d’Aquitaine. Sans parler des dynasties familiales, comme les Médecin père et fils à Nice de 1928 à 1986 (avec seulement 3 ans d’interruption, de la fin du régime de Vichy, en 1944, à 1947)… avant qu’un scandale financier ne pousse le fils à l’exil. Aucun d’eux n’avait l’excuse d’être poète, comme Aimé Césaire qui a « régné » de 1945 à 2001 sur Fort-de-France.

… et chambre d’enregistrement

Si la loi dit que le conseil municipal est « chargé de gérer, par ses délibérations, les affaires de la Commune » tandis que le maire est tenu « d’exécuter les décisions du conseil municipal » , les faits sont bien différents. C’est le maire qui convoque le conseil chaque fois qu’il le juge nécessaire, c’est-à-dire chaque fois qu’il veut faire voter un texte, et en premier lieu le budget. La majorité du conseil, composée de conseillers agréés par lui lors de la constitution de sa liste, vote sur ses propositions.

Bref, un présidentialisme à peine déguisé que résume ainsi une étude comparée du « gouvernement des villes » dans divers pays européens [1] : « Le système démocratique local en France fonctionne à l’envers : il affirme que le conseil municipal élit le maire mais en réalité c’est le maire qui coopte le conseil ; il distingue entre une assemblée délibérante qui décide et un organe qui exécute mais c’est souvent l’exécutif qui concentre l’ensemble des pouvoirs, l’assemblée ne disposant guère que d’un pouvoir d’approbation et de “remontrance” ».

Juliette NOUTALI


Petites communes : plus proches et sans pouvoir

Un électeur sur six vit dans une des 23 800 communes de moins de 1 000 habitants. Non professionnels de la politique, leurs élus sont certes parfois petits notables, agriculteur cossu du village ou propriétaire de la fabrique de choucroute, notaire ou médecin ayant son étude ou cabinet en ville, mais néanmoins plus proches de la population que ceux des grandes villes. Quand le maire n’est pas l’instituteur, le retraité ou le syndicaliste de l’usine d’à côté qui veut bien se charger, en prime ou plutôt sans prime, de la tâche.

Ces élus, tout indépendants qu’ils soient des appareils politiciens, sont en butte au président du Conseil général qu’il ne faut pas froisser (il en dépend des aides), aux préfets et sous-préfets sans cesse déplacés pour éviter trop d’implication dans la vie locale. Mais ce sont ces représentants de l’État chargés de faire appliquer la loi et contrôler la gestion des collectivités locales.

Quant au pouvoir « décisionnel » des maires, il est dans l’ordre inverse de leur proximité avec la population. Les petites communes n’ont pas la compétence économique. Celle-ci revient aux Communautés de communes, dont le conseil n’est pas directement élu et dont la constitution peut soit être demandée par les communes qui se regroupent (sous autorisation du préfet), soit être imposée par la préfecture elle-même. C’est à l’échelle de ces Communautés de communes (2 400 au total, regroupant le plus souvent entre 8 et 20 communes) que sont perçus les reversements de taxes locales et les subventions étatiques, gérés les budgets. C’est à ce niveau aussi qu’ont lieu les discussions sur le développement et le financement de « zones d’activité », prétextes à subventionner les patrons, au nom de la création d’emplois. Ce pain quotidien des grandes communes ou des communautés d’agglomérations (regroupant des villes petites ou moyennes) se partage loin des électeurs.

L.V.


[1Vincent Hoffmann-Martinot (2007), Le gouvernement des villes, une comparaison internationale

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