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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 68, mars-avril 2010

Besançon : les élèves sages-femmes relèvent la tête

Mis en ligne le 11 avril 2010 Convergences Entreprises

Le 25 février 2010, 45 étudiant(e)s sages-femmes (ESF) – des femmes, pour la plupart, et quelques étudiants hommes –, 13 sages-femmes diplômées et 3 anciennes élèves démissionnaires ont adressé un courrier à la Drass (Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales), pour dénoncer les situations accablantes qu’elles (et ils) vivent au quotidien : « Le récent suicide d’une étudiante de deuxième année a amplifié nos interrogations sur la qualité de nos conditions de formation, qu’elles concernent l’école ou les lieux de stages. Après l’enquête juridique menée suite à cet événement, il n’a été établi aucun lien de causalité directe entre cet acte et notre formation. Néanmoins, cela n’a fait que renforcer nos motivations et les démarches déjà mises en place pour mettre fin à certains comportements et remarques effectués aussi bien sur les lieux de stages qu’à l’école ».

À l’école, les ESF dénoncent : « (...) des convocations abusives, des remarques personnelles, des jugements de valeurs de la part de la direction et de son équipe pédagogique font partie du quotidien de l’étudiant(e) sage-femme.(...) Le but ne semble pas de nous faire évoluer, mais plutôt de nous rabaisser et de nous humilier ». Et la situation sur les lieux de stage au CHU n’est pas meilleure : « Les étudiants font l’objet de maltraitance psychologique voire d’agression physique (coups de dossiers sur la tête dans la chambre des patientes devant celles-ci, et devant des sages-femmes, des internes, des externes...) ». Et les signataires de ce courrier dénoncent que « de nombreux étudiants sont soumis à la prise de traitements de type antidépresseurs et anxiolytiques, faits dont les directions de l’école et du CHU sont au courant ».

Humiliations au quotidien

Une élève démissionnaire raconte que, lors de son premier stage, alors qu’elle se présentait à la personne qui allait l’encadrer, cette dernière a soupiré : « Alors il va falloir que je me la traîne toute la journée... ». Les remarques blessantes du genre « Tu es une incapable, tu ne seras jamais sage-femme », « En étant fille d’ouvrière, tu ne pourras jamais être sage-femme », « Vous n’êtes que des pauvres filles avec vos baskets », « Cet été, il va faire beau, c’est l’occasion de faire du sport, de perdre des kilos », sont régulières. Elles peuvent même être assénées devant toute l’équipe et devant les patientes qui sont souvent très choquées.

Et quand l’une d’entre elles réagit, elle (ou il) a droit à un « Tant qu’ils (les étudiants) n’ont pas le petit papier, j’en fais ce que je veux ». Voire « Même avec votre diplôme, on peut encore vous pourrir la vie ».

Les ESF parlent des gardes de douze heures, sans avoir le temps de manger, des infections urinaires parce qu’elles ne peuvent pas aller aux toilettes, de la peur au ventre dans l’ascenseur avant d’aller en stage... Pendant les réunions à l’école, si une étudiante fait des remarques critiques, elle est systématiquement convoquée dans le bureau de la directrice. Cette dernière peut même la convoquer avant la réunion pour savoir ce qu’elle va dire.

Les étudiants sages-femmes hommes (les maïeuticiens), encore peu nombreux, n’en sont pas mieux traités. En fait, très peu font leur formation sans redoubler. Et ils ont régulièrement droit à un « De toute façon, vous allez redoubler... ».

Le coup de gueule des jeunes diplômées

En 2008, au moment de la cérémonie de remise des diplômes, des parents avaient apostrophé la direction de l’école pour demander des comptes. Pour éviter ce type de désagrément, en 2009, ils ne furent pas invités. Mais là, 21 jeunes diplômées sur 23 intervenaient pour dire « le goût amer des années passées au sein de cette école. En effet, nous sommes déçues des manques de communication et d’humanité régnant dans cet établissement ». Cela avait choqué et avait été considéré comme un affront.

Après cette intervention, la direction du CHU avait reçu les étudiants, les équipes enseignantes et soignantes ainsi que les médecins. Le 2 février dernier, elle a même tenté une confrontation, mais cela n’a fait qu’empirer les choses pendant les stages. Certains médecins ont même tenté de faire signer aux ESF des première et deuxième années un engagement à se désolidariser des troisième et quatrième années, si elles voulaient assister à des consultations. Elles ont refusé. Certains médecins refusaient de faire les cours, les leaders étaient recherchés, les feuilles de stage, en salle de naissance, n’étaient plus annotées. L’ordre des sages-femmes a même été saisi pour vérifier si les propos tenus par certaines de ces sages-femmes fraîchement diplômées étaient bien déontologiques. Des fois que des sanctions puissent être infligées à ces contestataires...

La direction du CHU a demandé à la Drass de faire un audit. Ce dernier a pris fin le 19 mars et la Drass doit rendre ses conclusions début avril.

Premier résultat : les ESF de troisième et quatrième années ont réussi à obtenir de faire les stages qui leur restent dans d’autres hôpitaux de la région.

Cette situation n’est pas propre à l’école de Besançon. Même si c’est un sujet dont personne ne parle réellement, les directrices des écoles de Toulouse (2002), Lyon et Clermont-Ferrand (2007) et Bordeaux (2008) ont été remerciées après une enquête de la Drass.

Espérons que ce coup de gueule va faire évoluer les choses au niveau national. Mais ce qui est certain, c’est que le courage de ces étudiantes fera changer les choses au niveau du CHU. Plus personne ne les regardera comme avant. Elles ont relevé la tête.

28 mars 2010

Anne FONTAINE

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