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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 41, septembre-octobre 2005

Belgique : petit pays, mais solide impérialisme !

Mis en ligne le 20 septembre 2005 Convergences Monde

Petit pays tant par la superficie que par la population, de plus création de date récente, 1830, la Belgique n’en a pas moins réussi à prendre place parmi les puissances colonisatrices, en se taillant dès la fin du dix-neuvième siècle un immense empire africain, le Congo.

Le Congo, c’est « l’œuvre africaine » du roi Léopold II. Un chef d’État parfaitement conscient des objectifs de sa politique impérialiste quand il écrivit : « plus que nulle autre, une nation manufacturière comme la nôtre doit s’efforcer d’assurer les débouchés à tous ses travailleurs, à ceux de la pensée, du capital et des mains. (...) Mes peines n’ont pas été stériles : un jeune et vaste État, dirigé de Bruxelles, a pris pacifiquement place au soleil, grâce à l’appui bienveillant des puissances qui ont applaudi à ses débuts. Des Belges l’administrent, tandis que d’autres compatriotes, chaque jour plus nombreux, y font fructifier leurs capitaux ».

La civilisation chrétienne...

Comme toute conquète coloniale, celle du Congo se fit à l’aide du sabre et du goupillon.

Pour le sabre, voilà ce qu’un lieutenant de l’armée belge, avec cynisme, écrivait en 1894 en réaction au refus de coopération de la part des Congolais : « Devant leur mauvaise volonté manifeste, je leur fais la guerre. Un exemple a suffi, cent têtes tranchées et depuis lors les vivres abondent dans la station. Mon but est en somme humanitaire. J’ai supprimé cent existences, mais cela permet à cinq cents autres de vivre ».

Pour le goupillon, Léopold II et une partie de la noblesse belge vont subventionner et faciliter l’établissement de missionnaires catholiques. Ceux-ci auront en particulier pour tâche d’administrer des colonies d’enfants ramassés dans les villages pour en en faire de bons catholiques. Cette politique d’évangélisation forcée eut un certain succès : en 1960, 40 % de la population congolaise se rattachait aux communautés chrétiennes. Sur ces 40 %, les quatre cinquièmes environ étaient catholiques.

La place au soleil dont parle Léopold II fut réservée aux entreprises privées et d’abord au roi lui-même qui s’enrichirent grâce à l’exploitation des matières premières : l’ivoire, le caoutchouc et les abondants minerais. Cette exploitation devait être rapide et rapporter gros : « Il importe d’activer promptement... le développement bien nécessaire de nos récoltes d’ivoire et de caoutchouc. L’État ne peut maintenir son existence qu’au moyen de très larges et très fructueuses récoltes » écrivait le roi.

Et pour activer tous les moyens sont bons.

Il y a d’abord le portage, système consistant à forcer les villageois à porter des marchandises soit contre une rémunération (minimum bien sûr !), soit tout simplement par l’usage de la force ou en prenant les femmes des porteurs en otage. Il y a aussi la chicotte pour les récalcitrants. La chicotte, c’est un fouet utilisé en cas d’atteinte au règlement. Les textes officiels autorisaient 100 coups de chicotte dont 50 par « séance » ! La « séance » pouvait être mortelle ; l’usage de la chicotte fut aboli en 1959, 10 mois avant l’indépendance du Congo.

Enfin, il y avait la pratique « des mains coupés ». Un témoin raconte : « Comme vous le voyez, j’ai la main droite coupée... Quand j’étais tout petit, les soldats sont venus faire la guerre dans mon village à cause du caoutchouc. Ils ont tiré des coups de fusils et comme je fuyais, une balle m’a rasé la nuque et m’a fait la blessure dont vous voyez encore la cicatrice. Je suis tombé et j’ai fait semblant d’être mort. Un soldat à l’aide d’un couteau m’a coupé la main droite et l’a emportée. J’ai vu qu’il était porteur d’autres mains coupées... Le même jour, mon père et ma mère ont été tués, et je sais qu’ils ont eu les mains coupées. » Pratique des mains coupées à laquelle on ajoutait celle, classique des colonisateurs, des villages incendiés.

...et le pillage du pays

Cette colonisation a fait le bonheur du roi qui, tout en étant le souverain de « l’État Indépendant du Congo »... n’a jamais mis les pieds là-bas. Des dizaines de propriétés immobilières à Bruxelles ou sur la Côte d’Azur, des dizaines de millions dans une fondation en Allemagne, c’est la fortune amassée à la mort par Léopold dont le Congo fut en quelque sorte la propriété privée. Et à sa mort cette exploitation forcenée et féroce fut poursuivie par l’État belge.

Mais cette colonisation a fait aussi le bonheur des sociétés qui reçurent des concessions pour l’exploitation du caoutchouc et des minerais dont l’or, le cuivre (fondation en 1906 de l’Union minière du Haut-Katanga), le cobalt ou l’uranium. D’un groupe surtout d’ailleurs : on estime qu’à partir de 1928 la majorité des sociétés congolaises ont dépendu ou pleinement ou partiellement de « l’Empire de la Société Générale de Belgique ».

Dans les mines d’or de Kilo-Moto, par le biais du travail forcé, plus de 3 000 kilos d’or furent extraits entre 1909 et 1912 seulement, 5 285 autres entre 1913 et 1916. De quelle manière ? « Les vivres sont imposées, on oblige les femmes à travailler sans contrat, les travailleurs sont recrutés de force et envoyés par leurs chefs sous la menace d’emprisonnement... Les chefs sont menacés de relégation s’ils ne fournissent pas travailleurs et vivres aux mines ».

C’est l’uranium congolais, extrait par l’Union minière, dont un millier de tonnes avait été envoyé à New York en 1940, qui servit à la confection de la première bombe atomique américaine.

Malgré la concurrence...

Le Congo est devenu indépendant le 30 juin 1960. Mais cette indépendance n’a pas empêché la Belgique de continuer à intervenir dans les affaires économiques et politiques.

La Belgique a tout d’abord trempé dans l’assassinat du premier ministre du Congo indépendant, Patrice Lumumba, nationaliste qui eut le malheur de vouloir être trop indépendant justement de l’État belge.

Elle a eu un rôle de première importance dans la préparation et la réalisation de la sécession, sous la conduite de Moïse Tshombe, du Katanga, région riche en minerais exploités par l’Union minière.

Sous le règne et la dictature de Mobutu qui dirigea ensuite le Congo, l’influence de la Belgique se poursuivit même si elle dut faire face aux ambitions de la France, l’autre rapace colonial de cette partie du monde. Ainsi le ministre belge des affaires étrangères se plaignait en 1977 : « Tout le monde sait que la France est intéressée par les pays d’Afrique qui disposent d’importantes ressources. (...) Nous avons toujours dit que la Belgique doit laisser la France tranquille dans les régions où, historiquement, elle est chez elle. Nous avons demandé que la France adopte la même attitude à notre égard ».

Pas fair play pour un sou, la France ! Les paras français doublent les belges en sautant les premiers sur Kolwezi, région riche en minerais, en 1978. Et plus tard on racontait que « le chargé d’affaires français ne quitte pas le bureau du maréchal Mobutu lorsque celui-ci déclare à la veille des élections législatives de 1993, qu’il souhaite que la France prenne des parts du marché zaïrois aux entreprises belges ».

...la Belgique a de beaux restes

Malgré cela, l’influence politique et économique belge reste importante au Congo. En 1996, la Belgique et le Luxembourg en restaient les principaux partenaires économiques avec 30 % des transactions (exportations + importations).

Ainsi, en 1998, c’est la Belgique qui a pris en charge une partie des frais d’impression liés à la mise en place de la nouvelle monnaie congolaise. C’est elle encore qui en 2004 s’est chargée de former 250 officiers congolais.

Ce sont les groupes belges (Belgolaise, Union minière de Belgique, groupe Forrest) qui demeurent parmi les principaux investisseurs dans les secteurs minier et bancaire.

La Belgolaise, héritière de la Banque du Congo belge fondée en 1909, fait partie du groupe bancaire belge « Fortis » (qui cherche à la vendre actuellement). C’est depuis l’indépendance du Congo une société anonyme de droit belge. Elle détient encore actuellement 25 % dans le capital de la BCDC, la première banque du Congo, et elle contrôle aussi la banque commerciale du Burundi ainsi que la Banque de Kigali.

L’Union minière a été rebaptisée Umicore. Au travers de sa société Traxys, elle continue d’exploiter les minerais du Congo en particulier le coltan, un minerai qui est utilisé principalement pour la fabrication des téléphones et d’ordinateurs portables. Cette exploitation du coltan a connu des hauts et des bas en fonction des conflits entre les « seigneurs de la guerre » désireux de s’approprier ces minerais... et les profits nés de cette extraction.

Le Congo est indépendant mais il reste, héritage du passé colonial et malgré la concurrence d’autres pays, une terre de l’impérialisme belge.

15 septembre 2005

Paul GALLER

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