Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 58, juillet-août 2008

Belgique : les sans-papiers aussi en lutte

Mis en ligne le 1er juillet 2008 Convergences Monde

Le 1er mai Ebenizer Folefack Sontsa était retrouvé mort au centre fermé de Merksplas. Ces centres fermés sont le pendant belge des centres de rétention français : les étrangers y sont enfermés avant leur expulsion du territoire. Dans ces centres, des enfants sont aussi derrière des barreaux, détention qui a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme mais qui continue pourtant ! Sontsa avait 32 ans, était camerounais et vivait en Belgique depuis trois ans. Son suicide a eu lieu après une tentative d’expulsion du territoire belge par la police – tentative qui a échoué en partie à cause de l’intervention d’un passager – et alors qu’il était en attente d’une nouvelle expulsion vers le Cameroun. Notons que le passager qui a fait échouer l’expulsion en refusant de s’asseoir dans l’avion a été détenu 10 heures en garde à vue par la police et ne pourra plus jamais emprunter la compagnie aérienne qui transportait Sontsa.

Une polémique a eu lieu entre l’Office des étrangers – qui s’occupe des dossiers – et certains proches de Sontsa qui ne croyaient pas à la réalité de ce suicide. Mais suicide ou non, Sonsta a été victime des mesures gouvernementales qui règlent la situation des personnes en situation illégale sur le territoire belge.

La mort de Sontsa intervient juste 10 ans après celle de Samira Adamu. Cette jeune nigériane mourait le 22 septembre 1998, lors d’une sixième tentative d’expulsion, étouffée par le coussin que l’un de ses « accompagnateurs » lui avait plaqué sur le visage pour l’empêcher d’ameuter les passagers de l’appareil. Cet assassinat avait entraîné une forte émotion dans le pays et très nombreux furent ceux qui manifestèrent leur colère. Le ministre socialiste de l’époque avait dû démissionner devant le scandale que constituait ce crime.

Des luttes pour la régularisation

Après la mort de Samira Adamu, suite aux protestations des sans papiers et des organisations de défense, il y a eu une loi temporaire de régularisation. Temporaire, car elle prévoyait « une campagne de régularisation » du 10 au 30 janvier 2000. Au total, 27 686 dossiers ont été acceptés, 6 265 ont essuyé un refus et 815 ont été exclus car les personnes étaient considérées comme pouvant troubler « l’ordre public » ou étaient des délinquants multirécidivistes.

Depuis cette régularisation large, il n’y a eu que des régularisations sur la base de la loi du 15 décembre 1980, article 9 § 3 (loi sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement ou l’éloignement des étrangers). Cet article, bien connu dans les milieux immigrés, est uniquement de procédure et ne définit aucun critère pouvant donner lieu à une régularisation de séjour. Il prévoit que lors de circonstances exceptionnelles, une demande de séjour peut être transmise au maire de la ville et donner lieu à une régularisation individuelle. En clair, c’est à la discrétion de l’Office des Étrangers qui juge du caractère exceptionnel de la demande… ou non !

Faute de loi de régularisation, faute même de critères claires de régularisation, les sans papiers occupent des églises depuis des années et font des grèves de la faim répétées. Ces occupations sont parfois organisées par nationalité : les Iraniens dans une église, les Afghans dans une autre, avec à chaque fois la neutralité bienveillante du curé de la paroisse. Certaines de ses grèves ont été massives (150 grévistes ici, 100 là…) et ont permis à certains d’obtenir des titres de séjour plus ou moins longs et « au cas par cas ».

Des manifestations de soutien aux sans papiers sont aussi organisées depuis des années. Ce qui est nouveau, c’est que lors d’une de ces manifestations la police est violemment intervenue, arrêtant une centaine de manifestants et douze sans papiers ont été dirigés vers des centres fermés en attente de leur expulsion vers leurs pays d’origine. C’est le maire PS de Bruxelles qui a fait appel à la police.

Revendications... et illusions !

Les sans papiers et ceux qui les soutiennent revendiquent, bien sûr, des « papiers pour tous » comme ils le scandent au cours des manifestations. Mais ils souhaitent aussi qu’une loi, fixant des critères clairs de régularisation, soit votée. Ce projet fait partie de l’accord gouvernemental, conclu entre divers partis politiques, de gauche comme de droite, qui a précédé la nomination du premier ministre actuel, Yves Leterme.

La ministre de l’asile et des migrations Annemie Turtelboom, a annoncé qu’effectivement elle allait publier une circulaire avec des critères clairs pour ceux qui demandent individuellement la régularisation de leur séjour. Une sorte de permis à points : 40 pour avoir un travail, 10 pour un avis favorable du maire… mais retrait de 10 pour un avis défavorable ! La circulaire exclurait tous ceux qui sont entrés illégalement sur le territoire belge sans passer par une demande d’asile, un « permis B » ou un statut étudiant. Par ce biais, des milliers d’entre eux se verraient écartés d’office de toute régularisation.

La publication de cette circulaire a pris du retard car les différents partis au gouvernement ne seraient pas d’accord entre eux sur son contenu, sur les critères et les pondérations exigés. Les grévistes de la faim et les associations, quant à eux, poursuivent leurs mouvements espérant ainsi faire pression sur le gouvernement pour obtenir un texte moins restrictif que celui annoncé. Les expulsions continuent… et des milliers de travailleurs clandestins vivent la peur au ventre face aux contrôles de police, à la merci de patrons prêts à les exploiter plus durement encore que les autres travailleurs. Un scandale auquel il faut mettre fin en réclamant la régularisation des sans papiers qui sont avant tout des travailleurs et la fin des centres fermés qui sont de véritables prisons.

15 juin 2008

Paul GALLER

Mots-clés : |

Imprimer Imprimer cet article