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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 30, novembre-décembre 2003

Belgique : les patrons licencient, les syndicats collaborent

Mis en ligne le 8 novembre 2003 Convergences Monde

L’actualité en Belgique est marquée par l’annonce par Ford de 3 000 licenciements dans l’usine de Genk. Sous le choc, les travailleurs n’ont quasiment pas réagi. Une première manifestation, rassemblant 15 000 personnes, a eu lieu le 18 octobre. Mais les directions syndicales temporisent et ne semblent pas pressées de donner suite.

Pour faire face au chômage… des aides aux bourgeois

L’annonce des licenciements est arrivée au beau milieu de la « conférence pour l’emploi », qui rassemblait gouvernement, patronat et syndicats dans une négociation sur les moyens de réaliser l’objectif déclaré du Premier ministre de créer 200 000 emplois en quatre ans. Cette conférence visait en réalité à trouver un consensus sur l’attribution des aides au patronat, sous couvert d’aides à l’emploi et d’obtenir là-dessus l’aval des syndicats. Au total, plus de 500 millions d’euros devraient être distribués cette année, et 840 millions l’an prochain. Quand aux prétentions en nombre d’emplois, elles sont ramenées à 60 000, dont 25 000 seraient créés au moyen de « chèques services » qui permettront aux bourgeois de payer leurs femmes de ménage moins cher !

Comme seul moyen de faire face aux restructurations, le gouvernement met en place une prime au reclassement des travailleurs, qui sera payée... au patron licencieur ! Et, alors qu’aucun contrôle n’est prévu pour vérifier que les aides au patronat servent bien à créer de l’emploi, le gouvernement prône un contrôle accru contre la « fraude sociale » dont les chômeurs seraient coupables.

Pour financer ces mesures, auxquelles s’ajoute près d’un milliard d’euros de réductions des tranches supérieures d’impôts, le gouvernement a trouvé comme solutions d’une part une amnistie partielle de l’évasion fiscale qui est censée rapatrier 850 millions d’euros dans les caisses de l’Etat, d’autre part la récupération par l’Etat du fonds de pension de l’opérateur téléphonique national Belgacom, avant sa privatisation. Mais les travailleurs supporteront directement les augmentations de prix du tabac, de l’essence, la réduction des allocations maladie, maternité et d’invalidité, et les services publics liés à la santé ou l’éducation restent sous-financés.

Ainsi pour faire face au chômage et en réponse à l’annonce des 3 000 licenciements de Ford Genk, mais aussi d’Alstom, Philips, Arcelor et, plus récemment, aux 4 500 suppressions de postes dans les chemins de fer, le gouvernement de coalition libéral-socialiste n’a rien à proposer que d’aider encore plus le patronat.

Un lourd passif syndical…

La réponse des syndicats a été inexistante. Rien contre les mesures budgétaires pro-patronales. Rien contre les licenciements à Ford.

Cela fait des années que les deux syndicats principaux, la FGTB socialiste et la CSC chrétienne se contentent de donner des mauvais points au gouvernement. Le dernier grand mouvement date de 1993, contre le « plan global » d’austérité. La classe ouvrière participa massivement aux grèves dans le public et le privé, souvent de façon spontanée. Mais les syndicats refusèrent d’appeler à une mobilisation qui aurait pu déstabiliser la coalition gouvernementale, d’autant que la FGTB est liée au parti socialiste et la CSC au parti social chrétien, les deux piliers de la coalition de l’époque.

Depuis, FGTB et CSC n’ont appelé que de rares fois à des journées de grève, toujours sans lendemain et dans la seule perspective de négocier avec le gouvernement ou le patronat.

La fermeture de Renault-Vilvorde en 1997 fut un exemple marquant de cette politique de collaboration de classe. Pendant des années, les permanents de la CSC et de la FGTB avaient cédé aux exigences patronales sur la flexibilité et les salaires, sous prétexte de préserver l’emploi. Dès l’annonce de la fermeture, ils se sont opposés à la grève et a fortiori à toute extension du mouvement. Les deux syndicats ont ensuite épuisé les ouvriers dans des actions, parfois spectaculaires mais sans suite, les trimballant par cars entiers à Paris ou à Douai. Mais ils ont évité soigneusement tout lien avec les travailleurs de l’usine sidérurgique de Clabecq qui, au même moment, n’échappaient au même sort, et encore très partiellement et dans de mauvaises conditions, que par leur mobilisation, menée par les délégués combatifs de l’usine, D’Orazio et Marra. Cette délégation était d’ailleurs exclue peu après. Il faut croire que la FGTB ne peut même plus supporter dans ses rangs ceux qui pourraient maintenir l’image combative qu’elle gardait dans la classe ouvrière. De peur sans doute qu’ils constituent un pôle de ralliement pour les travailleurs combatifs !

A Arcelor, les syndicats ont signé le plan Delta de réduction du personnel et d’augmentation de la productivité. Et face à la menace de supprimer une partie de la production et des milliers d’emplois, les syndicats ont envoyé les ouvriers manifester au Luxembourg pour exiger d’illusoires « garanties de pérennité » : toujours le même scénario et simple histoire d’ouvrir une soupape de sécurité, et éviter tout danger de contagion.

…qu’ il faudra bien secouer

Même schéma à nouveau à Ford Genk où, dès l’annonce des licenciements, les syndicats ont directement refusé de mener la bataille. Comme à Renault-Vilvorde, ils se contentent de bloquer les parkings et refusent la grève. Comme à Arcelor, leur leitmotiv est de demander des « garanties » que Ford investira bien sur le site pour la production de la Mondeo. Comme s’ils ne savaient pas ce que valent les promesses et les garanties patronales ! Comme à Clabecq, ils refusent d’envisager d’unifier les luttes. Pourtant, le 18 octobre, les 15 000 travailleurs de Ford et d’entreprises également touchées par les licenciements, ont montré qu’ils ont bien conscience que c’est dans cette direction qu’il faudrait aller pour faire reculer le patronat.

Chaque fois les syndicats répètent leur credo : garder le « contact » avec la direction, ne pas lui faire peur, pour pouvoir obtenir des garanties sur l’avenir. A chaque attaque patronale, leur premier sinon seul regret est de ne pas avoir été consultés pour mettre en place des plans sociaux sans douleur. Et de s’étonner que le patronat ne fasse pas davantage appel à leurs services !

Après la fermeture de Renault-Vilvorde, les directions syndicales se sont félicitées qu’elle ait permis de faire passer une loi obligeant le patron à... informer à l’avance de son intention de restructurer. Depuis, les plans de restructuration continuent, évidemment. La faute à qui, selon elles ? A la loi qui serait insuffisante puisque elles continuent de ne pas être associées à la planification des restructurations.

Lors de la dernière « conférence pour l’emploi », les deux directions syndicales ont entériné de fait la politique de réduction des charges et le droit des actionnaires à restructurer. Elles se contentent de réclamer aux entreprises une politique « industrielle et d’innovation » et des engagements en matière de création d’emploi. Ou encore la possibilité de négocier des « alternatives aux licenciements », par exemple par la redistribution et la réduction du travail.

Les travailleurs en veulent aux directions syndicales pour ces trahisons à répétition. Par exemple, un délégué CSC de Ford se plaignait par avance qu’il allait en prendre pour son grade de la part des travailleurs. Il savait bien pourquoi... Et les directions syndicales savent que seul leur rôle d’intermédiaires dans la gestion des allocations de chômage leur permet de maintenir un taux de syndicalisation extrêmement élevé.

Mais pour garder ce rôle qui leur a été accordé par l’Etat et les patrons, et donc le compromis passé avec ceux-ci, elles se doivent de montrer leur capacité à contenir les coups de colère des travailleurs. Ce qu’elles ont réussi en employant souvent les pires moyens, comme de les dénoncer parfois en cœur avec la presse bourgeoise, comme ce fut le cas à Clabecq ou lors de la marche blanche. Réussi ? Jusqu’ici…

Le 31 octobre 2003

Antoine MANAGE

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