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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 57, mai-juin 2008

Belgique : Des syndicats de service, mais au service de qui ?

13 mai 2008 Convergences Monde

En ce moment, se discute en France la représentativité future des syndicats dans les entreprises. La situation des syndicats en Suède ou en Belgique est souvent montrée en exemple de ce que pourraient être les syndicats français de demain. Que sont vraiment les syndicats en Belgique, comment sont-ils organisés et sont-ils plus combatifs pour autant ?

Pendant la guerre et au sortir de la guerre, le patronat belge a décidé d’associer les syndicats à sa politique, de les faire participer au travers de conférences nationales aux différentes mesures prises pour « reconstruire le pays » tout en évitant les conflits sociaux. Dès le 24 avril 1944, un « Projet d’accord de solidarité sociale » jette les bases de toute la politique sociale à venir associant patronat et syndicats devenus «  des partenaires sociaux  ». Ces syndicats sont au nombre de trois. La FGTB, appelée « les rouges » par référence à son lien avec le PS ; la CSC, « les verts », historiquement née pour contrer les Socialistes et d’origine catholique ; et la CGSLB, « les bleus » d’inspiration « libérale ».

En 4 ans, de 1944 à 1948, neuf conférences nationales du travail sont organisées où seront mises en place la Sécurité sociale (assurance maladie, assurance chômage, retraites etc.…), les Commissions paritaires (concertation entre employeurs et syndicats), les « Conseils d’entreprises » etc.

Depuis les syndicats n’ont jamais cessé de participer à toutes ces commissions et différents organes de gestion tels que : la Banque nationale de Belgique, le Comité de contrôle du gaz et de l’électricité, l’Onem (qui s’occupe de l’attribution des allocations de chômage), le Conseil central de l’économie, le Conseil national du travail, les Conseils d’administration de certaines entreprises publiques et divers Comités de gestion des organismes de Sécurité sociale etc. À ces organismes s’ajoutent, au niveau des secteurs professionnels, les Commissions paritaires (94) et les sous commissions paritaires (74). Tous ces postes donnent droit à des jetons de présence plus ou moins importants, à des journées de délégation et à des mandats syndicaux.

La gestion du chômage

C’est par le biais des syndicats, le plus souvent, que les chômeurs (88 % des chômeurs étaient syndiqués en 2004) introduisent une demande d’allocations de chômage auprès de l’Onem (organisme qui décide de l’attribution ou non des allocations de chômage) et perçoivent leurs indemnités. Une caisse publique existe (la CAPAC), mais elle est moins connue que les caisses syndicales même si les syndicats participent aussi… à la gestion de la caisse publique ! En contrepartie, l’État verse aux syndicats une subvention pour le fonctionnement de ces organismes. En 2003, toutes ces caisses ont introduit 12,6 millions de dossiers auprès de l’Onem et ont payé 7,6 milliards d’euros d’indemnités. C’est dire les sommes qui transitent par le biais syndical même si les comptabilités sont séparées.

Pour pouvoir obtenir ce « service des syndicats », les chômeurs doivent verser 6 mois de cotisations syndicales. Il est toujours possible de payer les 6 mois en une seule fois au moment de constituer son dossier. Beaucoup de travailleurs s’affilient aux syndicats à ce moment-là ou en prévision d’un chômage possible.

Le supermarché des avantages syndicaux

Les syndicats offrent aussi d’autres avantages. En cas de grève reconnue par le syndicat, pour les travailleurs syndiqués depuis 6 mois au moins, le syndicat paie une indemnité de grève : 125 euros pour une semaine. Entre 1998 et 2000, la CSC a versé ainsi 70 millions d’euros en indemnités de grève, et 200 millions en 2001.

La CSC verse aussi dans certains secteurs professionnels : une prime de naissance, de mariage ou de départ à la retraite. Elle offre aussi comme la FGTB une assistance juridique. Le syndicat libéral CGSLB propose des réductions sur l’essence dans certaines stations, des séjours en centre de vacances… C’est le supermarché des avantages syndicaux !

Dans certains secteurs professionnels ou dans les administrations locales, la moitié de la cotisation syndicale est remboursée par l’entreprise ou l’administration. C’est ce qu’on appelle la prime syndicale… qui est versée directement aux seuls syndiqués, contrairement aux chèques syndicaux, en France, qui sont versés à chaque salarié dans des entreprises où le système existe pour adhérer au syndicat de son choix. Ces primes syndicales représenteraient, en 2004, une somme de 150 millions d’euros !

3 millions de « syndiqués »… pour canaliser les grèves

Cette situation explique, en partie que, depuis de très nombreuses années, les syndicats aient eu de nombreux affiliés – 3 millions de syndiqués (tous syndicats confondus) dans un pays qui compte une population active d’un peu plus de 4 millions de personnes – que la Belgique se situe parmi les pays les plus syndicalisés du monde : 6 travailleurs sur 10 sont syndiqués (95 % des ouvriers en 2000) ! Cette syndicalisation « de masse » permet aux syndicats CSC et FGTB de percevoir, chacun, de 150 à 200 millions d’euros de cotisations syndicales par an.

Mais est-ce parce que les syndicats ont autant d’adhérents qu’ils sont plus combatifs ? Bien sûr que non. Le nombre de grèves menées par les syndicats n’est pas proportionnel au nombre de ses adhérents. Dans le système de la concertation sociale, les syndicats sont devenus des partenaires sociaux : gouvernement et patronat comptent sur eux pour encadrer les travailleurs et limiter les grèves.

Dernièrement des grèves ont éclaté sur les salaires surtout en Flandre. Les travailleurs revendiquaient des hausses de salaires pour faire face à la hausse des prix qui augmentent comme en France ; la fédération des patrons (la FEB) est intervenue, directement, par courrier adressé aux syndicats, pour qu’ils mettent fin aux grèves. Cela montre les rapports patronat syndicats qui se réunissent tous les deux ans pour discuter des salaires et éventuellement signer un Accord Interprofessionnel donnant le cadre général des augmentations de salaires à venir dans le privé.

Le « Pacte des générations »

Les syndicats belges mettent cependant leur force en mouvement de temps à autre, pour montrer qu’ils existent et que le patronat doit compter avec eux. Ou alors, lorsqu’ils sentent qu’il y a une certaine pression de la base. À ce moment-là, des cars sont affrétés par les centrales syndicales, les journées payées aux grévistes, les banderoles confectionnées. Mais ces manifestations se déroulent sans slogans (remplacés par pétards, sifflets ou musique) et sont sans lendemain. Ce fut le cas lors des mesures gouvernementales visant à reculer, par différents biais, l’âge de départ en préretraite. Ce qu’on a appelé « le Pacte des générations ». Devant le mécontentement de la base, les syndicats ont organisé des manifestations à Bruxelles mais ces manifestations, qui ont été une réussite, sont restées sans lendemain et le « Pacte des générations », à part quelques modifications à la marge, a été entériné !

Les syndicats belges sont devenus au fil du temps des syndicats dits « de service », bien intégrés dans le concertation sociale. Ils apportent des services aux travailleurs…. mais un service encore plus grand au patronat et au gouvernement soucieux de la paix sociale. Un modèle que les patrons français verraient bien exporter chez eux ?

30 avril 2008

Paul GALLER

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