BAISSE DES RETRAITES, MAINTIEN DU CHOMAGE, L’AVENIR SELON JOSPIN
11 janvier 1999 Éditorial des bulletins L’Étincelle
Deux études publiées coup sur coup, par le Commissariat au Plan et par la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse, concluent à « l’explosion du système des retraites d’ici à 2040 ». Des rapports tombant à pic pour Jospin qui souhaite que la plus large publicité leur soit donnée. Il s’agit de préparer l’opinion à l’introduction des retraites par capitalisation – ces « fonds de pension de gauche » – prévue dès cette année, ainsi qu’à l’allongement de la durée de cotisation pour les fonctionnaires et les travailleurs des régimes spéciaux. Bref, de réaliser ce que Juppé avait dû renoncer à faire après le mouvement de l’hiver 95, et plus encore.
Ces rapports dramatisent à outrance la situation, tout en restant dans une logique qui dès le départ désigne les responsables et les futurs payeurs : les salariés, actifs ou retraités. L’augmentation de la proportion des plus de 65 ans par rapport à la population en âge de travailler se traduirait par l’apparition dans les quatre décennies à venir de déficits annuels de quelques centaines de milliards de francs pour les caisses de retraite et le budget de l’Etat. Le poids des pensions de retraite passerait ainsi de 11 % aujourd’hui à 16,6 % de la richesse produite annuellement en 2040.
Quoi de plus normal que la part des richesses consacrées aux retraités augmente, puisque leur nombre augmente ! Mais pourquoi cela devrait-il entraîner de nouveaux sacrifices pour les travailleurs, alors que dans le même temps, la richesse nationale devrait doubler d’ici à 2040, selon les hypothèses des mêmes rapports ? Les chiffres soulignent eux-mêmes que si le problème se résumait à un problème de répartition, le pouvoir d’achat de tous les travailleurs, actifs et retraités, pourrait croître !
Et puis les rapports en question basent leurs calculs sur le maintien d’un taux de chômage à 9 % (actuellement 11,5 % officiellement mais combien réellement ?), nous prédisant ainsi qu’un nombre de quelques 2,4 millions de sans emplois sera maintenu pendant les quarante années à venir !
Derrière le faux problème de savoir si « la société » pourra assurer le niveau de vie des retraités, il y a le vrai, celui de la part croissante des richesses détournée au profit d’une petite minorité, et de la volonté de ne faire payer que les travailleurs.
Les déficits à venir sont très largement amplifiés par la crise sociale : le chômage et la précarité, le blocage des salaires, pèsent lourdement sur le montant des cotisations retraite. Les inégalités de revenu se sont accrues, une frange de la classe ouvrière ayant été plongée dans la misère, tandis que les milliardaires multipliaient leur fortune. Aucun rapport ne propose pour financer les déficits liés au vieillissement de la population de taxer les revenus des plus riches. Pourtant les responsables sont bien ceux qui ont licencié en masse, imposé la précarité et se sont enrichis sur la pauvreté croissante.
Cela n’empêche pas le vice-président du MEDEF (ex-CNPF) de proposer de travailler 45 ans pour avoir droit à la retraite. Ni d’exiger la création de fonds de pension privés pour mettre à disposition de la Bourse les sommes considérables de l’épargne retraite. Et les travailleurs n’ont rien à attendre du gouvernement, car il est bien plus empressé de faire des cadeaux au patronat que de mettre un frein à ses appétits.
Quant aux centrales syndicales, leurs réactions jusqu’à aujourd’hui montrent qu’elles s’apprêtent à cautionner ce nouveau coup contre les travailleurs. La CFDT laisse entendre – comme Nicole Notat lors de la grève de novembre-décembre 95 sous Juppé – qu’elle n’est pas contre l’allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires et la baisse de leurs prestations. Et le futur n° 1 de la CGT, Bernard Thibault, s’est lui déclaré prêt à discuter des fonds de pension et des régimes spéciaux, à l’invitation du gouvernement Jospin, pour « mieux coller à la réalité ».
Face à ces attaques qui se préparent, les travailleurs devront renouer avec la réaction de nombre d’entre eux en 1995 : un mouvement d’ensemble pour contraindre les possédants et le gouvernement à leur service à revoir leur copie.