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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 73, janvier-février 2011 > DOSSIER : L’Europe de la crise : Mêmes attaques, mêmes colères

DOSSIER : L’Europe de la crise : Mêmes attaques, mêmes colères

Avis de tempête sociale à l’Est

Mis en ligne le 29 janvier 2011 Convergences Monde

Il y a peu encore, l’Europe de l’Est, mis à part la Roumanie, la Bulgarie et les pays de l’ex Yougoslavie, faisait figure de petit miracle capitaliste. Les économistes qualifiaient les pays baltes de « Tigres », parce que leur croissance rappelait celle des pays émergents d’Asie des années 1990. En fait, un « petit miracle » avec son lot de croissance des inégalités et de casse sociale. La Hongrie, la Pologne ou la Slovaquie suivaient le train. Plus dure est la chute.

Entretemps, la crise est passée par là. Les PIB de tous les pays de l’Est plongent en 2009 de 3 à 10 %, et même, sur la période 2008-2010, de 20 % pour l’Estonie et 25 % pour la Lettonie. Seule la Pologne, moins dépendante des exportations, maintient un taux de croissance positif.

Dès l’automne 2008, les marchés financiers augmentent en effet les taux d’intérêt pour les États situés hors de la zone euro. Ceux-ci, juste pour boucler leurs budgets, doivent emprunter au FMI. Les États membres de la zone euro ne sont pas plus protégés. L’Estonie, dont la couronne était indexée sur l’euro dès avant la crise en vue de son intégration à la monnaie unique, a dû par exemple appliquer une politique de coupes sombres dans les budgets sociaux.

La crise devient sociale

Le chômage explose dans les pays baltes, grimpant de 4 ou 5 % de la population active à 15 %. En Pologne, les plans de licenciements se sont multipliés dans les chantiers navals de Gdynia et Szczecin, chez les sous-traitants auxquels Ikea fait fabriquer ses meubles ou Chantelle sa lingerie, dans les transports, l’industrie automobile ou la téléphonie. Le taux de chômage a bondi de 8,5 à 13 % depuis septembre 2009. Ces chiffres ne tiennent pas compte du développement des petits boulots : 3 millions de Polonais seraient « auto-entrepreneurs », poussés dans cette voie par la faiblesse des indemnités de chômage.

Baisse des salaires de 10 à 40 % en Pologne, suppression du 13e mois et gel des salaires pour les fonctionnaires hongrois, 30 à 50 % de la paye des fonctionnaires lettons amputée. Les retraités sont partout attaqués. En Hongrie, ils doivent abandonner soit leur complémentaire privée soit leur retraite de base par répartition. En Lettonie, le montant de la pension baisse de 10 %. « En nous affamant, le FMI doit penser qu’on mourra plus tôt », commente un retraité letton.

Les coupes sombres affectent aussi les services publics. En Lettonie, 10 % des écoles vont fermer et le nombre d’élèves par classe doubler, tandis que les hôpitaux voient leur budget diminuer de 30 %. Le choc est partout plus violent dans les campagnes que dans les villes.

L’émigration ou la lutte

Avant la crise, la jeunesse de nombre de pays de l’Est trouvait dans l’émigration les perspectives d’avenir que leur pays, trop pauvre ou trop petit, ne pouvait leur offrir. Pour combler les vides laissés par les 450 000 Lituaniens – un habitant sur 9 – partis depuis 1991, le patronat local faisait appel à des Chinois. La crise en Grande-Bretagne ou en Irlande a provoqué non pas tant des retours qu’une réorientation de l’immigration vers les Pays-Bas ou le Danemark, moins touchés par le marasme économique. Par exemple, seuls 60 000 des 2 170 000 Polonais expatriés sont revenus en Pologne. Et les gouvernements encouragent, jusque sur les posters des agences pour l’emploi, cette émigration vue comme une soupape de sécurité à la fois économique, grâce à l’argent envoyé par les migrants à leurs familles, et politique, puisqu’elle contribue à limiter les risques d’embrasement social.

Sauf que n’émigre pas qui veut. Les diplômés sont sur-représentés parmi les migrants, quand bien même ils occupent en Europe Occidentale des emplois de baby-sitter ou de plombier. Aussi les travailleurs n’ont-ils d’autre choix que de lutter. En janvier 2009, des manifestations contre l’austérité ont dégénéré en émeutes successivement à Riga, Vilnius et Sofia (capitales de Lettonie, Lituanie et Bulgarie). En août, l’annonce de la fermeture d’un hôpital a conduit les habitants à bloquer les ponts de la ville. Ces événements marquent une rupture dans des pays baltes traditionnellement peu grévistes. En Hongrie et en Pologne, la fin de l’année 2008 a été marquée par des grèves respectivement dans les transports (chemins de fer, aéroports) et les mines. Des réactions pour l’instant pas de taille à faire reculer les gouvernements, mais qui, comme dans le reste de l’Europe, annoncent peut-être des turbulences sociales d’une toute autre ampleur.

20 janvier 2011

Mathieu PARANT

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