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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 17, septembre-octobre 2001 > DOSSIER : La santé malade du profit

DOSSIER : La santé malade du profit

Aux petits soins des profits pour les cliniques privées

Mis en ligne le 22 septembre 2001 Convergences Entreprises

L’activité des hôpitaux, publics et privés, représentait 348 milliards de francs en 1996, soit 48 % des dépenses médicales en France, près de 5 % du Produit Intérieur Brut. Plus d’un million de personnes travaillent dans les hôpitaux et les cliniques. Cette importante activité est certes à majorité gérée par l’Etat, mais elle est d’ores et déjà une source de revenus et de profits pour bien des entreprises privées.

Dans les hôpitaux publics, les occasions de profits pour des entreprises privées ne manquent pas : restauration, blanchisserie, gestion de services comme la télévision, nettoyage, etc… Les hôpitaux se fournissent auprès d’entreprises petites et grandes, pour tout le matériel médical, y compris les matériels les plus lourds (scanners, IRM, surveillance cardiaque…) produits par des grandes entreprises comme Siemens, Philips ou General Electric : cela représente 30 milliards de francs de chiffres d’affaires…

La part du privé

Par ailleurs, il y a les hôpitaux et les cliniques privés : sur 4200 établissements de santé, 3145 sont privés. Ces établissements, de dimension moyenne inférieure aux hôpitaux publics, représentent 35 % des lits d’hospitalisation. Avec d’une part les hôpitaux privés « à but non lucratif » qui sont tenus par des associations, mutuelles, congrégations religieuses, la Croix-Rouge, etc… Et d’autre part, les hôpitaux privés « à but lucratif », les cliniques qui sont de véritables entreprises. Elles représentent 20 % des lits. Leur poids en France est plus important que dans la majorité des pays d’Europe (excepté l’Allemagne).

Les cliniques connaissent depuis une vingtaine d’années d’importantes transformations. La grande majorité ont été ouvertes dans la période de l’après-guerre jusqu’au début des années 1970. Ce sont le plus souvent de petits et moyens établissements dirigés par des médecins. Mais depuis les années 1970, les politiques de rigueur et de maîtrise des dépenses de santé ont commencé à produire leurs effets : l’Etat les soumet à un plus grand contrôle et en particulier réglemente l’ouverture de lits. Cela a accéléré certaines mutations qui continuent aujourd’hui.

Partage des tâches

Un premier aspect de cette évolution est la spécialisation croissante des activités des cliniques privées.

En particulier, la chirurgie est de plus en plus l’activité principale des cliniques : ainsi 60 % des entrées en hôpital privé sont des entrées en chirurgie, alors que la chirurgie représente 30 % des entrées à l’hôpital public. Les cliniques privées se concentrent sur des activités rentables, par exemple les maladies de l’œil (68 % dans le privé), les maladies de l’appareil digestif (60 % dans le privé, mais pas le traitement de la cirrhose du foie, géré à 90 % par le public…). Ce sont des opérations où le risque vital est très faible, qui peuvent être programmées à l’avance (et non en urgence), ce qui permet de rentabiliser au maximum les lits : dans le planning, ceux-ci sont toujours occupés, et la nature des pathologies traités fait que le durée moyenne du séjour est sensiblement inférieur dans les cliniques que dans les hôpitaux. En particulier, le privé investit la chirurgie ambulatoire, c’est-à-dire les opérations chirurgicales sans hospitalisation.

Par ailleurs, les cliniques laissent volontiers aux hôpitaux publics les plus petites pathologies et les urgences. Autant d’activités à faible valeur ajoutée.

Ce choix des cliniques pour les actes médicaux les plus rentables n’est pas chose nouvelle, mais la spécialisation s’accroît, et la politique de l’Etat est d’aller dans ce sens. Dans le cadre des opérations de restructurations, de fermetures de services et de lits des hôpitaux publics, la politique actuelle est de « complémentarité » ou de « coopération » entre public et privé. Au nom de la rationalisation et de la maîtrise des dépenses, l’Etat décide la fermeture d’un service de chirurgie dans un hôpital public au motif que les services de chirurgie du privé assurent le même prestation : voilà qui assure à tous les coups une clientèle au secteur privé !

La coopération public-privé connaît bien des expériences. Certaines, telles par exemple la cession de missions de service public comme les urgences à des cliniques contre subventions, ne font pas recette : les cliniques jugent le plus souvent ces activités peu rentables. Par contre la mise sous le même toit d’un hôpital public et de cliniques semble intéresser davantage ces dernières : ainsi à Carpentras, l’hôpital public et deux cliniques privées ont investi un même bâtiment neuf, dont la construction a été avancée par l’Etat. L’hôpital assure la médecine, la gynécologie-obstétrique, les soins intensifs et les urgences, les cliniques assurent la chirurgie. Certains patients arrivant des urgences publiques sont donc envoyés dans la clinique privée, sous le même toit, pour la suite du traitement. Quand aux services techniques, ils sont mis en commun pour le public et le privé, ce qui réduit les investissements du secteur privé.

Concentration en marche

Un autre aspect de l’évolution des cliniques privées est la tendance à la constitution de groupes rassemblant plusieurs cliniques, à l’image des Etats-Unis où moins d’une dizaine de groupes capitalistes gèrent 70 % des hôpitaux privés. La spécialisation dans la chirurgie impose en effet l’investissement dans du matériel lourd (scanner, IRM, salles d’opération), particulièrement coûteux. Par ailleurs, bien des cliniques ont eu à faire face à des difficultés financières dans le cadre des restructurations et ont été rachetées par des groupes plus puissants.

La Générale de Santé, société cotée en Bourse depuis juin 2001, est le plus grand groupe de cliniques d’Europe : il regroupe en France 91 établissements de santé et 46 établissements médico-sociaux, ce qui représente 11 520 lits. En outre, ce groupe détient une trentaine de cliniques en Angleterre et quelques autres en Europe, et offre des services dans des hôpitaux publics ou privés (nettoyage, gestion de matériel, téléphone et boutiques, informatique…). Cette entreprise annonce un chiffre d’affaires de 5,8 milliards de francs.

Certes un tel groupe reste l’exception, et on est loin d’une hospitalisation privée gérée uniquement par des grands conglomérats : 80 % des cliniques privées sont encore possédées par les médecins qui les dirigent. Mais son développement et son récente introduction en Bourse sont significatifs de la tendance…

Michel CHARVET


Rentables, mais à quel prix ?

La FHP (fédération de l’hospitalisation privée), représentant le patronat des cliniques privées, compte encore une fois sur l’Etat : elle vient de réclamer, début septembre, une aide de 6 milliards de francs pour faire face au risque de départs d’infirmières vers le secteur public, après l’annonce de 45 000 embauches par les hôpitaux publics. Les salaires dans le privé sont en effet inférieurs à ceux des hôpitaux publics. C’est une des raisons pour lesquelles les cliniques privées sont gérées à « moindre coût »…

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