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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 53, septembre-octobre 2007

Automobile : Peugeot-Citroën entend licencier des milliers de salariés par an

Mis en ligne le 27 septembre 2007 Convergences Entreprises

Le 4 septembre dernier, Christian Streiff, PDG du groupe PSA Peugeot-Citroën, a annoncé à la presse ses « ambitions » pour l’horizon 2010-2015 : offensive de ventes en Europe et à l’international, compétitivité et qualité au top, accélération des nouveaux projets de véhicules mais surtout réduction de coûts et suppressions de personnel.

PSA a déjà supprimé plus de 7 000 postes en 2006, sous le règne de Jean-Martin Folz, essentiellement dans la production. Son successeur Christian Streiff s’est attaqué cette année aux centres techniques : dès son arrivée, au printemps dernier, il y a annoncé 4 800 suppressions de postes, dont 1 800 postes d’ouvriers, 1 800 d’ETAM (Employé, Technicien, Agent de Maîtrise) et 1 200 de cadres et ingénieurs. À cela, il faut ajouter la fermeture, dans la production, d’une des deux chaînes de montage de l’usine d’Aulnay, avec 1 000 suppressions d’emplois pour août 2008 et des départs d’intérimaires un peu partout. Si bien qu’on peut encore prévoir au moins 7 000 postes supprimés en Europe occidentale sur un an.

Et le PDG de PSA vient de mettre un nouveau coup de pression aux fournisseurs pour faire baisser leurs prix, avec le mot d’ordre de « développer leur production dans les pays à bas coûts ». Quoi d’étonnant que le magazine L’Expansion de septembre 2007 fasse état de la catastrophe pour le secteur automobile français : depuis septembre 2006, 14 000 suppressions d’emplois annoncées chez les constructeurs et gros équipementiers, et des dizaines de fermetures de sites, 33 200 intérimaires remerciés fin 2004, 26 000 fin 2006…

Accords de méthode : embarquer les syndicats dans l’opération

Avant l’annonce des suppressions de postes dans les centres techniques, la direction de PSA avait fait signer, le 6 avril, par la plupart des syndicats, sauf la CGT, un accord dit de Gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC). Présenté par les syndicats signataires comme devant favoriser évolutions de carrières ou reconversions désirées, cet accord s’inscrit dans la stratégie instituée par « la loi du 18 janvier 2005 de programmation de la cohésion sociale » consistant à négocier à l’avance avec les syndicats les réductions d’effectifs, sous le nom d’« accords de méthode ».

L’encre des signatures à peine sèche, Streiff annonçait les suppressions d’emplois, que la GPEC devrait lui permettre de réaliser en douce. Car le contenu réel de l’accord porte essentiellement sur des plans de départs et de mobilité dits « volontaires ». Dont sont d’ailleurs exclues toutes mesures de préretraite, les plus proches de l’âge de la retraite n’ayant même pas droit aux aides au départ des autres.

Un plan de licenciement caché… et bon marché

Les mesures prévues dans le plan, s’adressent aux salariés de moins de 59 ans qui peuvent demander un licenciement économique volontaire avec une prime allant de 6 mois de salaire (pour un an d’ancienneté) à 18 mois de salaire pour les ouvriers et ETAM (pour 40 ans d’ancienneté !), 24 mois pour les ingénieurs et cadres. Mais cette prime n’est accordée qu’à la condition d’avoir un projet de reconversion qui exclut de bénéficier des assurances chômage.

Les salariés peuvent aussi demander un congé de reclassement (payé en partie à 100 %, en partie à 65 %), autre forme de mise à la porte volontaire, où le salarié est suivi par une cellule « emploi-mobilité » pendant une durée d’au moins 4 mois, la prime de départ étant alors de 3 mois inférieure à la prime de licenciement volontaire.

Ce volontariat a ses limites : c’est la direction qui décide qui y a droit. Afin de prévenir la désertion dans des secteurs-clefs, elle a définit des « métiers sous-tension » où elle interdit à ceux qui l’auraient souhaité de partir. Elle pourra de toute manière y réduire quand même les effectifs en jouant sur les emplois de prestataires, nombreux dans ces services.

Sous l’étiquette GPEC il s’agit bien d’un plan de licenciement camouflé, à très bon marché, qui évite à la direction d’avoir à négocier un plan social, et où elle espère éviter, avec la complicité des directions syndicales, une riposte collective, en individualisant les départs. Notons que, dans ces syndicats, certaines sections, comme la CFDT du centre technique de La Garenne (Hauts de Seine), ont désapprouvé publiquement la signature.

Prends les miettes et tire toi

Le volontariat à la sauce PSA c’est la pression de la hiérarchie sur chaque volontaire potentiel isolé, qu’on cherche à convaincre qu’il n’a pas d’autre choix que d’accepter un départ. On te dit qu’on n’a plus besoin de toi, que ton poste va être supprimé, que si tu restes, on te mute dans un service qui ne te convient pas, voire sur un site à deux heures de chez toi, et que ce serait l’occasion de bénéficier d’aides de reconversion avant de risquer de te faire dégager par un plan de licenciement pur et simple et moins avantageux, si les volontaires ne sont pas assez nombreux.

Tout est fait pour pousser les salariés vers les cellules « emploi-mobilité »… pour mieux les pousser dehors. Que tu mettes la main dans l’engrenage, juste pour te renseigner, et te voilà promu candidat au départ. Dans certains sites, les salariés n’hésitent pas à parler de harcèlement de la part de leur hiérarchie.

Et pour faire la pub des départs, la direction organise des journées « rencontres de l’emploi », comme le 6 juillet en région parisienne : départs collectifs en bus vers le centre de Poissy où attendaient les stands de chasseurs de tête ou de techniciens (rien pour les ouvriers qu’on avait aussi amenés là), à savoir quelques grands groupes, des entreprises de sous-traitance automobile ou même une ou deux boites de prestation, qui vous renverront peut-être demain travailler par intermittence… à PSA.

Une vague qui en prépare d’autres

Nous n’allons « pas grossir les rangs des chômeurs » déclarait à la presse, peu après l’annonce du plan, le DRH du groupe, J.-L. Vergne, vantant l’« éthique humaniste de la maison Peugeot ». Mais ceux qui acceptent le départ volontaire n’ont aucune garantie de ne pas se retrouver dans quelques mois à l’ANPE, ainsi que ceux qui ne pourraient pas accepter une de ces mutations forcées prévues au programme. Rappelons qu’à Faurecia, filiale de PSA, où ce type de départs existe déjà depuis plusieurs années, de nombreux salariés partis avec des projets qu’ils croyaient bons, se sont rapidement trouvés à galérer dans les emplois précaires.

Ce que PSA vient d’annoncer, en ce mois de septembre, c’est bien qu’il compte poursuivre les vagues de suppressions d’emplois dans les prochaines années. Sans en préciser les chiffres. Au journal La Tribune qui lui demandait « 2 000 à 3 000 ? », Streiff a répondu que ce n’était là que le nombre des « départs naturels » annuels prévisibles. Pour les départs non naturels ? Les chiffres prévisibles tournent plus vraisemblablement autour de 15 000 pour les trois ans à venir.

Faible rentabilité ? Baisse des ventes ? De qui se moquent-ils ?

Les patrons de PSA se plaignent d’une récente « dégradation des ventes en Europe de l’Ouest et de la rentabilité du groupe »  ? Mais les ventes du groupe ont augmenté de 65 % depuis 1998. L’assemblée générale des actionnaires du 23 mai dernier, peu après l’annonce des 4 800 suppressions de postes, enregistrait 747 728 147 € de bénéfices pour l’année et 693 248 137 € de report des bénéfices de l’an dernier, soit un total de plus 1,4 milliard, dont les actionnaires se partageaient 317 millions d’euros en dividendes (95 millions pour la seule famille Peugeot), gardant le reste en réserve. Avec une telle somme on pourrait verser salaires plus charges de 40 000 nouveaux emplois. Les 300 € de plus par mois pour les 210 000 salariés du groupe, réclamés par les grévistes d’Aulnay, ne représentent que la moitié de ces bénéfices.

Il est difficile de connaître à ce jour l’état d’avancement du plan de départs en cours. Lors du CCE du 11 septembre la direction se félicitait d’avoir obtenu 3 100 candidatures au départ (dont 1 380 cadres, 760 Etam, 970 ouvriers). On compterait également 6 % de départs chez les directeurs, dont quelques grands, comme la directrice financière pour incompatibilité d’humeur avec Streiff ; ceux-là sont sûrement mieux indemnisés !

Mais l’inquiétude est grande, même parmi les ingénieurs jusque là épargnés et parmi les techniciens qui vont être les plus touchés par le plan de l’année en cours. La loi du silence pratiquée par la direction sur les services et sites visés, sur le nombre de salariés qui doivent y être poussés à la porte et de ceux qui resteront pour effectuer une charge de travail que Streiff promet de plus en plus lourde, l’accroît. La grogne est latente, qui ferait bien d’exploser sans attendre les milliers de suppressions d’emplois déjà programmées pour les années qui viennent.

17 septembre 2007

Léo BASERLI

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