Austérité à l’italienne
Mis en ligne le 25 septembre 2011 Convergences Monde
« Draguez le port et pas nos poches » criaient les ouvriers du chantier naval à la manifestation de Livourne, le 6 septembre. Ce jour-là, des manifestations ont eu lieu dans une centaine de villes, regroupant près d’un million de personnes, pour protester contre les mesures d’austérité annoncées par le gouvernement italien.
Cet été, après la Grèce, c’est l’Italie qui a été la cible des spéculateurs. Le niveau d’endettement de l’Italie représente plus de 20 % du PIB de la zone euro (contre seulement 4 % pour la Grèce). Si la crise continuait à s’aggraver, les États européens ne pourraient pas réunir les montants nécessaires. Ils devraient alors faire appel aux marchés financiers pour « sauver » l’Italie... des marchés financiers. Un peu comme si l’ondonnait de l’eau à un noyé.
Toujours plus de rigueur
Le gouvernement italien, qui avait déjà adopté mi-juillet un premier plan de rigueur de 48 milliards sur trois ans et venait d’en annoncer un second de 45,5 milliards dans le but d’arriver à l’équilibre budgétaire dès 2013, a dû revoir sa copie.
Le plan de rigueur-bis, qui n’a pas connu moins de quatre versions successives en trois semaines, a finalement été adopté en toute hâte, le gouvernement demandant un vote de confiance du parlement. Il a entre-temps grimpé à 54,2 milliards.
La mesure qui devrait rapporter le plus est l’augmentation de 1 % de la TVA. Une mesure qui frappe durement les familles les plus modestes. Dans le même temps, le gouvernement diminue les subventions versées aux collectivités locales. Ce qui a pour conséquence une dégradation et une augmentation importantes des services publics, notamment des transports.
Dans le secteur privé, les femmes, qui continuaient à bénéficier de la retraite à 60 ans, verront leur âge de départ reculer progressivement jusqu’à 65 ans.
A également été annoncée la suppression dans les entreprises de plus de quinze salariés de l’article 18 du « Statut des travailleurs » (équivalent de notre code du Travail) qui prévoyait qu’un licenciement ne pouvait intervenir que « pour une cause juste ou un motif avéré ».
Dans l’ultime version du plan de rigueur, les riches n’ont pas été complètement oubliés mais ils sont à peine égratignés par une taxe exceptionnelle de 3 % pour les revenus supérieurs à 300 000 euros par an, ce qui concernerait 34 000 personnes. Le gouvernement a promis, une fois de plus, de lutter contre l’évasion fiscale, menaçant même de « menottes » ceux qui auraient trop fraudé le fisc. Bien entendu personne ne croit à ces rodomontades, à commencer par les premiers concernés.
La BCE et le FMI ont tenu à saluer les efforts de l’Italie. « Vous êtes sur la bonne voie » a estimé Christine Lagarde. Berlusconi affirmant quant à lui que le gouvernement avait fait « tout ce qui était possible pour mettre le pays en sécurité ».
Les réactions des syndicats et de l’opposition
En réponse à ces attaques, la CGIL, suivie par les syndicats « de base », a appelé à une grève de huit heures et à des manifestations le 6 septembre. La grève a été un réel succès, même si le chiffre de 60 % de grévistes annoncé par la CGIL peut sembler exagéré. Les deux autres grands syndicats CISL et UIL avaient refusé d’appeler. Le secrétaire de la CISL, Raffaele Bonanni, déclarant : « Je comprends la protestation, la dénonciation, la mobilisation, mais la grève générale non. Nous ne pouvons partager un choix qui affaiblira le pays ultérieurement. » [1] Cependant, le fait que, localement (en particulier dans la métallurgie), de nombreux militants de ces syndicats aient décidé de participer à la grève, contre l’avis de leurs confédérations, est sans doute un signe de la profondeur du mécontentement.
Du côté de l’opposition de centre gauche, au début le Parti démocrate a également pris position contre la grève au nom de la « solidarité nationale » face à la crise, mais certains de ses dirigeants ont finalement déclaré comprendre le mécontentement, et son leader Perluigi Bersiani a participé à la manifestation à Rome... sous quelques sifflets. Il est vrai que les élections approchant, le PD préfère ne pas trop désespérer son électorat.
S’il a fallu attendre quatre mois après la grève précédente, le 6 mai, pour un nouvel appel, finalement la CGIL a pu à bon compte apparaître comme le principal défenseur des travailleurs. Alors que sa secrétaire Susanna Camusso avait été contestée au sein de sa propre organisation pour avoir signé récemment un accord avec le patronat autorisant localement des dérogations à la législation du travail. Cela au nom de la « compétitivité ».
Mais pas plus la CGIL que les autres confédérations syndicales ne proposent de réelles perspectives de mobilisation aux travailleurs pour faire que ce ne soient pas eux qui fassent les frais de la crise. Les mots d’ordre de la journée de grève étaient des plus vagues. La CGIL a par ailleurs annoncé qu’elle allait déposer un recours auprès de la Cour constitutionnelle concernant la suppression de l’article 18... En Italie, comme ailleurs, les travailleurs devront avant tout compter sur leur propre détermination.
Le 13 septembre 2011
Thierry FLAMAND
[1] — La CGIL Confederazione Generale Italiana del Lavoro est le principal syndicat italien (elle revendique 5,5 millions d’adhérents). Marquée politiquement à gauche, elle a longtemps été proche de l’ex- PCI.
— La CISL Confederazione Italiana Sindicati Lavoratori (4 millions d’adhérents) a été fondée en 1948, suite à la scission du courant catholique de la CGIL.
— L’UIL Unione Italiana del Lavoro, a été créé en 1950, par les composants sociaux-démocrates (2,2 millions d’adhérents).
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