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Ouvrières du Textile d’Asie

Au Cambodge : Femmes, prolétaires et rebelles

Mis en ligne le 17 juin 2013 Convergences Monde

90 % des 400 000 ouvriers du Textile du Cambodge sont des ouvrières. Elles ont entre 15 et 35 ans, rarement plus de 40 ans. Elles viennent de villages portant les stigmates de 25 ans de guerre, où la productivité de la riziculture vient tout juste de rattraper les niveaux de 1965. Dans les banlieues de Phnom Penh depuis peu alimentées en électricité, pour faire tourner les usines, les logements manquent. Les moins chers, avec douches et sanitaires collectifs, exposent les femmes au harcèlement sexuel. Ils sont loin des usines. Certaines ouvrières économisent l’argent du transport en marchant une heure le matin et une heure le soir.

Si 2 400 d’entre elles se sont évanouies au travail entre juin 2010 et janvier 2012 [1], ce n’est pas seulement à cause des produits chimiques qu’elles côtoient sans protection. C’est d’abord par manque de sucre dans le sang. Même le fait qu’il y aurait, selon les patrons, 50 000 emplois non pourvus dans le secteur n’a pas encore poussé ceux-ci à augmenter les salaires.

Pour maintenir ces derniers au plus bas, le patronat a eu recours à une arme classique : la précarité. À partir de 2005, il s’est mis à proposer des CDD de 3 à 12 mois. La carotte consistait en une prime de fin de contrat de 5 %, soit 3 dollars. Dérisoire. Mais la plupart des ouvrières, y compris les embauchées en CDI, sont tombées dans le piège, et un peu plus à la merci de leur patron. Quant aux femmes enceintes, on cesse tout simplement de renouveler leurs contrats.

De temps en temps, une usine ferme... pour rouvrir quelques dizaines de kilomètres plus loin. Il est alors quasiment impossible d’obtenir la réintégration des licenciées.

En revanche, certaines ont obtenu des indemnités, comme 230 des 500 ouvrières de PRC Garment, atelier fermé en 2008. Quatre grèves générales depuis 2000 ont amélioré les salaires de 5 dollars à chaque fois et consolidé les primes. Mais, à chaque fois, la hausse des prix, en particulier dans le logement, a littéralement mangé ces hausses, de sorte que les salaires réels ont en fait baissé de 14 %. Le principal syndicat, le CCAWDU, compte plus de 48 000 adhérents. Il a réussi à faire annuler 161 licenciements en s’appuyant sur une campagne internationale d’opinion. Mais un millier de ses militants n’a pas eu cette chance.

Le syndicat met en avant un Smic à 131 dollars, seuil permettant d’atteindre, selon ses calculs, un « salaire de subsistance ». Mais, à en juger par leurs déclarations, ses dirigeants semblent miser plus sur la formation des cadres intermédiaires du syndicat à l’utilisation des moyens juridiques et sur l’intervention des consommateurs occidentaux que sur les luttes. Ce sont pourtant elles et elles seules qui ont fait bouger les choses, malgré la violence à laquelle ont dû faire face les travailleurs dans nombre de conflits récents.

M. P.


Les salaires des ouvrières cambodgiennes

Composition du salaire mensuel :

  • Minimum légal : 61 dollars [2]. À la pièce, la couture de 12 chemises est payée 0,045 dollar.
  • Allocation de santé : 5 dollars.
  • Prime d’assiduité : 7 dollars, à condition de n’avoir manqué aucun jour dans le mois, à raison de 6 jours par semaine, 10 heures par jour.

Total : 73 dollars, à condition que l’employeur respecte la législation.

Les plus généreux ajoutent une prime d’ancienneté pouvant se monter à 1 dollar par année. Les salaires les plus élevés atteignent entre 100 et 120 dollars, mais il faut pour cela accumuler les heures supplémentaires, payées 0,5 dollar la paire, et tenir les cadences 12 heures par jour tous les jours sauf le dimanche. Certains patrons sanctionnent les absences non justifiées par un certificat médical – mais il faut alors payer un médecin – d’un retrait de 2 à 3 dollars.

Un exemple de budget :

  • Logement : entre 20 et 40 dollars par mois pour une chambre.
  • Eau : 1,5 dollar par mois. Elle n’est pas potable dans bien des quartiers. Il faut l’acheter en bouteille.
  • Électricité : 1 à 2,5 dollars par mois, pour faire tourner un peu le ventilateur dans la chambre surchauffée, surtout si on la partage avec sa famille ou des collègues.
  • Nourriture : avec 0,5 à 1 dollar par jour, on peut acheter de quoi manger un bol de riz agrémenté d’un peu de viande ou de légumes, ou encore du gruau aux trois repas. Fruits et laitages sont hors de portée.
  • Vêtements, lessive, savon, cosmétiques : 15 dollars par mois.
  • Envoi d’argent à la famille : 20 à 50 dollars. Beaucoup d’ouvrières soulagent la misère de ceux qu’elles ont laissés sur place.

Flambée des prix 

  • + 40 % pour le riz en 2008 lorsque les spéculateurs internationaux ont abandonné les crédits immobiliers pour se rabattre vers les matières premières ; ces prix ont un peu baissé par la suite.
  • + 66 % sur la soupe à emporter depuis 2010.
  • et carrément multiplication par 4 du prix de l’essence, à 1 dollar le litre au lieu de 0,25 !

Source : Enquête publiée sur son site Internet par le collectif « L’éthique sur l’étiquette », dans le cadre de la campagne Asia floor wage campaign.


[1Cet article se base principalement sur le très complet dossier publié en France par le collectif « Éthique sur l’étiquette » dans le cadre de l’Asia Floor Wage Campaign.

[2La monnaie cambodgienne est le riel. Nous donnons ici les équivalents en dollars états-uniens.

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