Argentine : la faute à la mondialisation ?
Mis en ligne le 1er avril 2002 Convergences Monde
L’Argentine était présentée, il y a peu encore, comme un modèle de développement en Amérique latine. D’aucuns parlaient de « miracle argentin ». Il est vrai que les mêmes ont vu à travers le monde beaucoup de miracles qui sont devenus autant de mirages.
En tout cas pour les participants de Porto Alegre, l’Argentine a fait figure d’exemplaire victime de cette mondialisation qu’ils dénoncent. Et le FMI, bras armé (de dollars) de la globalisation est cité comme principal accusé.
La spirale de la corruption et de l’endettement
En fait la dette extérieure a commencé à croître au fur et à mesure que la corruption (c’est-à-dire le pillage du pays par les bourgeois et les gouvernants argentins) prenait de plus en plus d’ampleur. Ainsi lors de l’ignoble dictature militaire de Videla, de 1976 à 1983, la dette a été multipliée par cinq. C’est à ce moment que le FMI intervint, mettant officieusement un de ses cadres, Dante Simone, au service (ou au commandement ?) de la banque centrale du pays. Pourtant les prêts des banques américaines qu’il a négocié ne prirent jamais la direction de l’Argentine. Avec la complicité des banquiers étrangers comme celle du FMI, et pour le plus grand profit des capitalistes argentins, ils allèrent directement dans des paradis fiscaux.
En 1983 le nouveau président radical Raul Alfonsin ne trouve rien de mieux que de reconnaître la dette de la dictature. Il met aussi à la charge de l’Etat la dette des entreprises privées. En clair il blanchit tous les pillages du régime précédent. Résultat : une période d’hyperinflation commence (4900 % en 1989).
Les bons conseils du FMI
Arrivé à son tour au pouvoir le péroniste Menem applique à la lettre la politique d’austérité qui est la condition sine qua non à l’obtention de nouveaux prêts du FMI comme des financiers internationaux. Des centaines de milliers de fonctionnaires sont licenciés, on privatise à tour de bras, jusqu’au système des retraites. Les impôts pour les hauts revenus et les entreprises baissent, alors que la TVA passe de 14 à 21 % pénalisant les plus pauvres. La libéralisation de l’économie amène alors effectivement un afflux de capitaux internationaux. A l’issue des privatisations, 90 % des banques et 40 % de l’industrie sont aux mains des capitaux étrangers, essentiellement espagnols, français et américains. Mais les 40 milliards de dollars encaissés par l’Etat à l’occasion des privatisations se sont évaporés, bien qu’on s’en doute ils n’aient pas été perdus pour tout le monde.
Et pour obtenir le renouvellement des prêts (destinés en bonne partie à rembourser les intérêts des prêts précédents) les gouvernements argentins successifs, quelle que soit leur couleur politique, s’engagent à chaque fois à réduire encore davantage les dépenses publiques. Fin décembre 2000, par exemple, pour obtenir 39,7 milliards de dollars, les privatisations sont étendues, la flexibilité sur le marché du travail accentuée (alors que le taux officiel de chômage est déjà de 20 % !), le système de santé attaqué. En juillet 2001, Domingo Cavallo, le ministre de l’économie, annonce une baisse de 13 % pour les salaires des fonctionnaires.
En réalité la politique préconisée par le FMI et la dérégulation de l’économie n’ont fait que faciliter l’évasion des capitaux tout en aggravant les effets désastreux sur l’économie auxquels elles étaient censées porter remède. La spirale de l’endettement a abouti à ce qu’en 2001 le service de la dette (s’élevant à un total de 150 milliards de dollars) a atteint l’équivalent de 90 % des exportations. Ces énormes sorties de capitaux ont sans aucun doute finies dans les coffres des groupes et financiers internationaux. Mais tout autant dans ceux des capitalistes argentins, que le FMI ne sert pas moins que les autres : les fortunes placées à l’étranger par les bourgeois argentins atteignent 120 milliards de dollars selon le ministère de l’économie (presque le montant de la dette publique du pays).
Lydie GRIMAL
Mots-clés : Argentine