Andreï Guelassimov

Après avoir enseigné la littérature anglo-américaine à l’université de Moscou, Andreï Guelassimov a travaillé comme scénariste pour la télévision avant de se consacrer entièrement à sa carrière d’écrivain.

La soif

Actes Sud, Collection Babel, livre de poche.

Dans ce court roman publié en 2002, Kostia raconte son histoire : lors d’une opération en Tchétchénie, il est extrait de son blindé in extremis et d’abord laissé pour mort. Le visage brûlé et monstrueux, il reste cloîtré dans son appartement et noie sa détresse dans un océan de vodka. Deux de ses amis, rescapés eux aussi de l’attaque, décident de partir à la recherche du sauveur de Kostia. Celui-ci les accompagne dans leur périple à travers le pays. Le récit est discontinu, entrecoupé de flashbacks où Kostia évoque son enfance et les personnes qui l’ont marqué : un père volage qui abandonne femme et enfant ; un directeur d’école déjanté, haut en couleur et généreux, soiffard impénitent qui, malgré les brumes de la vodka, remarque les dons de dessinateur de l’adolescent et lui fait découvrir l’art de « voir » le monde. Tout un portrait d’une Russie traumatisée par les guerres de Tchétchénie, mais un récit alerte, plein d’humour et d’émotion.

Charles BOSCO

L’année du mensonge

Actes Sud, collection Babel, livre de poche, 375 pages.

Un roman drolatique sur la Russie de 1998 en plein effondrement économique. Un jeune moscovite aussi paumé que déluré, est chargé d’apprendre à courir les filles au fils introverti de son patron… Les aventures commencent. Extraits « sérieux » : p. 205, « Les gens essayaient de se débarrasser le plus vite possible des roubles qui se dévaluaient jour après jour (…) Ne restaient chez eux que ceux qui étaient complètement démunis, et ceux dont les dollars dormaient tranquillement sur des comptes à l’étranger. (…) Les premiers avaient depuis longtemps perdu tout ce qu’ils avaient. Les seconds avaient depuis longtemps empoché tout ce qu’avaient perdu les premiers ». P. 211, « (…) sans un guide, il serait complètement perdu à Moscou. Dans les rues, les flics mettaient, chaque jour davantage, la pression sur les non-résidents. » P. 251, « Les prix flambaient chaque jour davantage. Au gouvernement avait commencé un sabbat de sorciers. À Moscou et à Saint-Pétersbourg, on abattait les hommes politiques les uns après les autres. (…) Les magnats de la finance avaient fait un bras d’honneur à leurs créanciers occidentaux et refusaient de payer leurs dettes. Tout le pays avait fait faillite… J’avais la même sensation que s’il ne nous était resté que quelques mois à vivre. D’ailleurs, ce foutu pays ne me tracassait pas outre mesure. Je ne me faisais du souci que pour quatre personnes exactement. (…)  » Pour les démêlés burlesques des quatre personnes en question, se plonger dans ce livre aussi noir que réjouissant.

H.C.