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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 64, juillet-août 2009

Altis — Corbeil-Essonnes (électronique) : Reculs de la direction, mais lâchage des syndicats

Mis en ligne le 3 juillet 2009 Convergences Entreprises

Huit jours de grève, suivie par 70 % des 1 400 salariés d’Altis, et paralysant totalement ce site de production de semi-conducteurs, du jamais vu dans cette entreprise !

La grève démarre sur les chapeaux de roue

La grève a éclaté lundi 15 juin, à l’appel des syndicats, suite à l’annonce de 400 licenciements sur les 1 400 salariés Altis de l’usine (dans laquelle travaillent également un petit nombre de salariés de la maison-mère, IBM, et surtout plusieurs centaines de sous-traitants). Revendications mise en avant : une indemnité de licenciement de 100 000 euros et deux mois de salaire par année d’ancienneté.

Depuis deux ans, les actionnaires d’Altis, IBM et Infineon ont annoncé leur retrait pour la fin 2009 et promettent un repreneur hypothétique… qui n’est jamais là. Pour attirer cet oiseau rare, la direction voudrait faire travailler les équipes en factions de 12 heures ; et, dès maintenant, c’est 400 emplois supprimés qu’il faudrait accepter sans même aucune garantie qu’ils ne soient pas que la première fournée, avant une fermeture complète du site.

Dès le lundi matin, le blocage s’est organisé : production brutalement arrêtée, piquets devant les portes jour et nuit,, chacun l’assurant suivant son horaire d’équipe habituel, empêchant toute production de sortir et toute matière première de rentrer, pneus et palettes brûlant devant les grilles.

Alors ont commencé les reculs, mais aussi les manœuvres, de la direction. Le deuxième jour, elle annonçait ne vouloir négocier que sur les conditions de départ des 400 licenciés, sans rien dire sur l’avenir du site. Exigence que l’intersyndicale s’empressait d’accepter. Conscients que le sort de l’ensemble du personnel était en jeu, les grévistes mettaient eux sur leurs banderoles « IBM = - 3 000 emplois » l’effectif total du site, salariés d’IBM et des sous-traitants inclus.

L’intersyndicale milite pour la reprise

Au troisième jour de la grève, l’intersyndicale présentait aux grévistes le premier recul de la direction : 15 000 € de prime de départ. Mais aussi son ultimatum : la négociation ne se poursuivrait que si le travail reprenait. Et les membres de l’intersyndicale d’argumenter qu’il y avait un risque effectif de s’enfermer dans le blocage, et qu’il ne s’agissait que de « suspendre » le mouvement.

Pour les grévistes, le chantage était inacceptable. Face au malaise dans l’AG, la CGT s’est mise en avant pour organiser un vote où la majorité s’est montrée pour la poursuite. Le lendemain matin, l’intersyndicale avait donc changé d’avis et chargeait le représentant CGT d’annoncer la poursuite du mouvement. À la satisfaction des grévistes qui pensaient avoir suffisamment « recadré » l’intersyndicale.

Pas pour longtemps. Le lendemain vendredi, la direction reculait encore en accordant pour les plus de dix ans d’ancienneté 28 000 euros d’indemnités plus 1,2 mois de salaire par année d’ancienneté. Pour les plus anciens cela pouvait commencer à paraître plus acceptable, même si l’on était loin de la revendication initiale. Mais, pour les salariés ayant moins de 10 ans d’ancienneté, l’accord ne prévoyait qu’une indemnité unique de 20 000 euros. Ce qui n’empêchait pas l’intersyndicale de se présenter au piquet de grève vers 22 heures, une nouvelle fois pour convaincre les grévistes de reprendre le travail. En vain : les cris contre la reprise se faisaient entendre, alors que l’intersyndicale avait déjà fait savoir à la presse que la grève était finie.

Il lui fallut donc une dernière pirouette : samedi, le responsable de la CFTC indiqua à l’AFP que l’intersyndicale faisait « machine arrière » et appelait à poursuivre le mouvement… jusqu’au lundi matin, le 22 juin. Et l’intersyndicale utilisa le week-end pour peaufiner sa stratégie. Un tract serait distribué indiquant dans le détail le déroulement de l’AG du lundi et la procédure de vote : à bulletin secret ! Sentant la manœuvre, des grévistes parlaient de jeter l’urne au feu, tandis que d’autres dessinaient au sol un trait pour séparer les grévistes des non-grévistes lors d’un vote public, comme le mercredi.

L’AG du lundi fut expéditive : la procédure de vote fut relue, et lorsque des grévistes qui avaient prévu d’intervenir se manifestèrent, l’intersyndicale verrouilla le micro en annonçant clairement qu’elle ne « donnerait pas la parole ».

L’annonce par l’intersyndicale des résultats du vote eut lieu devant un public clairsemé : étaient sortis de la boîte noire 280 votes Oui à la « suspension » et 271 Non (c’est-à-dire oui à la grève). Malgré les pressions syndicales, il s’en était fallu de peu. Résultats accueillis par des applaudissements ironiques accompagnés de « Bravo les syndicats ! ».

Et maintenant ?

L’idée qu’on aurait dû former un petit comité qui défende les grévistes ou bien « un autre syndicat » est apparu ici ou là. Mais le sentiment dominant reste l’amertume et la colère, certains salariés déclarant que, au prochain appel syndical, ils ne sortiraient plus. Dans leur grande majorité, les grévistes ne pensent pas qu’une nouvelle grève puisse avoir lieu avant la fermeture définitive du site.

L’avenir le dira.

Car, dans cette grève, les salariés ont beaucoup appris en huit jours. Sur la force de la grève, qui a fait partiellement reculer la direction d’Altis et aurait pu arracher bien plus si elle n’avait pas été trahie.

23 juin 2009

Laurent VASSIER

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