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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 71, octobre 2010 > Le chantage patronal à la mode

Le chantage patronal à la mode

Altis (Corbeil-Essonnes, 91) : …pour mieux licencier

Mis en ligne le 23 octobre 2010 Convergences Entreprises

Trois ans et demi après que les deux grands groupes de semi-conducteur IBM et Infineon ont annoncé leur intention de se débarrasser d’Altis, leur filiale commune, l’usine de Corbeil-Essonnes a enfin un repreneur. Pour combien de temps ? On n’en sait rien. Toujours est-il qu’un plan de 400 licenciements est en cours avec, pour les 900 ouvriers qui vont rester, le passage en horaires d’équipes effectuant 12 heures de travail d’affilée.

Vu les conditions de travail promises à ceux qui restent et l’avenir incertain de l’entreprise, à peine le « Plan de Sauvegarde de l’Emploi » ouvert, les candidats au départ « volontaire » sont au rendez-vous. Le personnel qui restera est lui très défiant, ne faisant confiance ni au repreneur de la dernière heure, ni à ses parrains, l’avionneur Serge Dassault, et le ministre de l’industrie Christian Estrosi.

Comment en est-on arrivé là ?

Quatre ans d’incertitude et de chantage

À l’été 2006, quelques mois à peine après le licenciement de 323 personnes, la direction d’Altis annonce son intention d’obtenir un gain de 15 % sur les coûts de personnel et, pour cela, de modifier les horaires de production en imposant des équipes de 12 heures, l’usine tournant en « continu » 7 jours sur 7. Selon la direction, le passage en 12 heures serait indispensable pour dénicher le repreneur pour l’usine. Commence alors le long feuilleton des repreneurs fantômes, notamment russes, que serait directement allés chercher Dassault, maire de Corbeil.

À chaque annonce d’une solution probable, la direction fait pression de plus belle pour faire accepter le principe des nouvelles équipes, prix du prétendu sauvetage. En janvier 2007, pour faire pression sur les syndicats, la direction organise même une « marche silencieuse » dans l’usine avec l’encadrement et quelques personnes des bureaux qu’elle a embrigadées.

Coup de colère

Après le fiasco d’un prétendu repreneur russe, la direction défend une nouvelle solution « franco-française » soutenue par un prêt de l’État de 40 millions. IBM et Dassault finissent par annoncer le nombre de licenciements qui planaient dans l’air : ce sera 400. En juin 2009, la colère explose. Entre ceux qui ne veulent pas des 12 heures, et ceux qui se disent qu’il vaut mieux, pour eux, quitter une entreprise en sursis mais qui veulent des indemnités de départ conséquentes, les opérateurs se mettent en grève dans une belle unité. En quelques jours à peine la direction amorce des reculs, acceptant notamment d’augmenter le montant des indemnités de licenciement prévues.

Les syndicats, peu combatifs depuis le début, s’empressent alors d’accepter et appellent à la reprise, malgré une AG houleuse à l’issue de laquelle ils imposent un vote à bulletin secret. La direction, même si elle va devoir payer plus cher que ce qu’elle escomptait, a enfin en poche un plan de licenciements chiffré et ficelé d’avance. Le consentement syndical sur les équipes de 12 heures pour les restants ne tardera pas à arriver. Mais, les mois suivants, la prétendue solution de reprise s’enlise à nouveau.

Zorro est arrivé… avec l’argent de nos impôts

Alors, qui peut vraiment croire à la solution d’aujourd’hui, tant vantée par Dassault (qui, après des mois d’inéligibilité pour fraude, va se représenter à la mairie) et par le ministre de l’industrie ? Le Zorro du sauvetage d’Altis débarqué au printemps 2010 n’est pas un inconnu. Il fait partie de l’équipe gouvernementale : Yazid Sabeg, homme d’affaires, dirigeant l’entreprise CS Communication et Systèmes, et commissaire à la Diversité et à l’Égalité des Chances. Son apport personnel pour le rachat d’Altis, 40 millions, il l’a essentiellement emprunté, sa fonction officielle et l’appui explicite d’Estrosi offrant de bonnes garanties aux prêteurs. Le reste, deux organismes d’État, OSEO et le FSI (fonds stratégique d’investissement) le fourniront. Avec l’argent de nos impôts.

Pour quel projet précis ? Sabeg fait semblant de croire à « un business plan solide ». Aux yeux des salariés, il n’est pourtant qu’un homme de paille, un politicien, et pas le premier à manœuvrer avec l’aide de l’argent public (on se souvient de Bernard Tapie). Discret, il refuse de répondre quand on lui demande si les 40 millions qu’on lui prête viennent de Dassault. Encore plus discret sur les 30 millions encore manquants qui viendraient de fonds anglo-saxons et de financiers du Golfe… toujours inconnus.

Licenciements immédiats, avenir incertain

Qu’importe ! En cette rentrée de septembre, et même s’il n’y a aucune garantie que le plan de reprise annoncé n’avorte pas à son tour, la direction s’est empressée de mettre en œuvre le plan de licenciements dits « volontaires » (la formule est à la mode) prêt depuis plus d’un an. Mais si l’antenne emploi ouverte sur le site a reçu plus de demandes qu’il n’en faut, c’est que les salariés n’ont pas plus confiance dans le plan de Yazid Sabeg que dans les précédents.

Et la direction du « Nouvel Altis » cherche à se mettre en ordre de marche pour rentabiliser au maximum les dernières possibilités de profit que le site peut offrir. Sans offrir la moindre garantie pour l’avenir.

Objectifs immédiats : gérer les compétences et serrer les coûts. Elle a ainsi publié une carte des postes à supprimer. En fonction de quoi, de nombreux salariés qui souhaitaient rester se retrouvent licenciés. D’autres, qui souhaitent partir, se voient imposer de rester, à moins, c’est la direction qui le leur suggère, de se faire licencier prochainement en refusant le passage aux horaires 12 heures… mais sans les indemnités du plan.

Et si la direction mettait à nouveau, par sa dernière escroquerie sur le « volontariat » désigné, tout le monde en colère ensemble ? Après tout, le climat social actuel qui ne se manifeste pas que sur les retraites, mais aussi sur les salaires, les emplois, en est l’occasion. Et l’occasion de ne pas être seuls, entreprise après entreprise.

13 octobre 2010

Laurent VASSIER

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