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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 96, novembre-décembre 2014

Allemagne : Grèves des conducteurs de train

Mis en ligne le 20 novembre 2014 Convergences Monde

Du jeudi 6 novembre au lundi 10 novembre au matin, le syndicat GDL des conducteurs avait appelé à nouveau le personnel roulant de la Deutsche Bahn (DB – chemins de fer allemands) à une tranche de grève – la sixième – dans le cadre d’un mouvement commencé en septembre. Il ne s’agit pas d’une grève reconduite de jour en jour, elle se fait donc par tranches décrétées d’en haut et à l’échelle nationale par le syndicat.

Horaires trop longs et trop durs

Les revendications du GDL dans ce conflit répondent aux problèmes les plus pressants du personnel roulant : une réduction du temps de travail de deux heures, faisant passer de 39 heures à 37 heures la durée hebdomadaire (avec un maximum de 50 heures supplémentaires dans l’année), 5 % d’augmentation de salaire et quelques autres points de moindre importance.

C’est surtout la surcharge de travail, les horaires et roulements infernaux qui mobilisent le personnel roulant. La Deutsche Bahn pousse toujours jusqu’à l’extrême limite légale pour mobiliser jusqu’à la dernière minute, combler des trous et faire la chasse aux « temps morts ». L’ensemble des cheminots du pays a accumulé autour de huit millions (!) d’heures supplémentaires, dont trois millions pour les seuls conducteurs. Il existe un compte annualisé du temps de travail, et en automne commence une période de sur-travail, le système est usant.

Concurrence sur le marché ferroviaire

C’est sous prétexte de concurrence et de résistance aux appels d’offres du privé (surtout pour les trains régionaux) que la DB augmente les cadences. Comme le font de leur côté les entreprises privées. Cette mise en concurrence fait pression sur les salaires et augmente l’insécurité : en août dernier, un accident grave a fait 35 blessés à Mannheim. Un train de fret roulait pour l’entreprise ERS, qui avait elle-même loué la locomotive et fait appel à une boîte d’intérim pour fournir le conducteur… D’où l’absence de contrôle sur le niveau de formation et d’autres aspects concernant le sécurité.

Concurrence sur le marché syndical !

Le conflit actuel entre le syndicat GDL et la direction de la DB s’est durci également à cause d’une concurrence syndicale inhabituelle. La DB a coutume de négocier avec le grand syndicat « généraliste » EVG, dont la bureaucratie lui est très liée. Suite aux grèves de 2007, GDL et EVG avaient conclu un accord (expirant le 30 juin dernier) stipulant que le GDL négocierait des contrats concernant les seuls conducteurs, tandis que l’EVG serait habilité à négocier pour les autres catégories. C’est cette clause qui est remise en question par le GDL, qui argue qu’il organise 80 % des conducteurs mais aussi 30 % des contrôleurs, sans compter le personnel d’accompagnement « gastronomie », les formateurs et les instructeurs qui seraient aussi de son ressort.

Le conflit se situe dans le cadre très traditionnel des négociations de branches, auxquelles participe aussi le syndicat EVG, qui avance pour les cheminots la revendication de 6 % d’augmentation avec un socle de 150 € pour tous les cheminots. Mais ses dirigeants ne mobilisent pas du tout – pire, ils font campagne avec la direction de la DB contre la grève du GDL et en espèrent probablement quelques retombées de reconnaissance. Tout est fait pour semer la division entre les cheminots, ce dont la DB se réjouit. Elle se paie même le luxe de refuser à ce jour toute négociation au sujet des revendications du GDL tant que les deux syndicats n’auront pas réglé leur différend de représentativité.

Contre le patron, mais aussi contre la routine syndicale

La campagne anti-grève bat son plein. Les conducteurs sont dénoncés comme prenant le pays en otage pour une querelle de boutiques syndicales. Et force est de reconnaître que la façon dont le syndicat GDL mène le mouvement et le contrôle de A à Z, donne des armes aux possédants.

Selon les rituels du partenariat allemand, une première phase de négociation ouvre une période de possibles grèves d’avertissement, à laquelle – après un referendum syndical – on entre dans une période de « vraie grève », mais à chaque fois pour des tranches d’heures ou de jours que le syndicat décide d’en haut, et dont il n’informe les salariés qu’au dernier moment. Depuis septembre, on a ainsi connu des périodes de 3 heures, puis 3, puis 9, puis 14 et enfin 50 heures de grève, qui chaque fois pour les premières de courte durée, ont laissé les grévistes sur les voies ou dans les gares où ils se trouvaient à l’heure du déclenchement. Pour la grève de 50 heures – dont les responsables syndicaux ont craint qu’elle offre l’opportunité à des cheminots de base de se retrouver et de s’organiser – la consigne syndicale a été donnée de renvoyer les grévistes chez eux, soi-disant pour les protéger de la colère des usagers. Il aurait été trop dangereux de se montrer en public. Heureusement des grévistes ici ou là n’ont pas attendu l’autorisation syndicale pour aller à la rencontre des usagers dont les réactions ont été variées mais souvent sympathiques.

Pour la dernière tranche de grève et face à une presse déchaînée présentant le mouvement comme l’action insensée du chef syndical du GDL, Weselsky, ce dernier s’est enhardi et a appelé à un rassemblement central le vendredi 7 novembre. Ils étaient ainsi près d’un millier de cheminots à Berlin, venus de différentes villes du pays – certes pour entendre une heure de discours syndicaux. Mais ce fut l’occasion pour des grévistes de prendre des initiatives, et à Berlin notamment de confectionner leurs propres banderoles et pancartes avec des slogans percutants et humoristiques.

Les cheminots grévistes – jusque-là déboussolés par des périodes de grève annoncées au dernier moment et de courte durée, les laissant souvent isolés dans leur train en rase campagne ou pour quelques heures à quai – ont saisi l’opportunité des dernières plages de grève plus longues pour discuter de leur mouvement, de leurs revendications et de la façon de les rendre compréhensibles aux autres travailleurs. C’est un début précieux de prise de conscience parmi des cheminots du pays qui n’ont pas pour tradition ces dernières décennies de tenir des assemblés de grévistes. C’est difficile parce que le début et la fin de chaque grève est décidé centralement par l’appareil syndical. Une nouvelle démonstration en a été faite quand Weselsky a annoncé peu après le rassemblement du 7 novembre et à la grande surprise des grévistes que la tranche de grève serait suspendue à partir de samedi soir au lieu de se poursuivre jusqu’à lundi. Des interrogations s’entendent parmi les grévistes qui n’ont aucune envie de désarmer face au patron.

7 novembre 2014, Toni ROBERT

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Numéro 96, novembre-décembre 2014