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Algérie : la répression s’amplifie, la révolte continue

12 avril 2002

Samedi dernier 6 avril, plusieurs milliers de personnes manifestaient à Paris pour dénoncer la répression féroce qui depuis deux semaines s’est de nouveau abattue sur la Kabylie. Les médias français n’ont pas couvert cette manifestation. Cela en dit sans doute long sur la complicité de l’Etat français, de ses dirigeants Chirac et Jospin et derrière eux des multinationales françaises, les Totalfina et autres Bouygues, avec les généraux algériens assassins qui tentent d’écraser cette « intifada » de la jeunesse algérienne.

Depuis un an maintenant, le mouvement continue, sans interruption en Kabylie, sporadiquement dans tout le reste du pays. De violentes émeutes ont encore éclaté tout récemment, jeudi 4 avril, dans la petite ville de Aïn Fakroun, dans l’est algérien, après qu’un petit garçon blessé par une voiture au sortir du stade s’était vu refuser l’accès aux services des urgences... en application du décret interministériel mettant fin à la médecine gratuite. C’est à jets de pierres que les émeutiers ont mis en fuite les gendarmes, incendié leurs véhicules, attaqué les édifices publics et jusqu’au lendemain se sont affrontés à la police anti-émeute qui a fait 5 blessés.

La révolte de la population algérienne est avant tout une révolte contre la misère, contre les sacrifices imposés par l’Etat au nom de « l’ouverture économique », c’est-à-dire les privatisations et les plans de licenciements qui en découlent, la dégradation des services publics, de la santé (avec la résurgence de la tuberculose et du choléra) et de l’éducation (l’analphabétisme toucherait 23 % des hommes et 40 % des femmes). La population qui manifeste depuis un an, dans la plupart des régions, le fait contre le manque d’eau, la corruption des élus, les exactions des forces de l’ordre, le chômage des jeunes (29 % de chômeurs dont 52 % ont entre 20 et 29 ans), les licenciements, la situation des sans logis. La haine vis-à-vis du régime est générale, parce que la misère grandissante (alors que 22 % de la population étaient déjà en dessous du seuil de pauvreté en 1995, avec des revenus annuels inférieurs à 150 euros) contraste avec les grandes fortunes qui s’amassent insolemment.

La manoeuvre qui a échoué

Depuis le début le pouvoir tente d’opposer la Kabylie au reste de l’Algérie en insistant sur les revendications identitaires kabyles, alors que celles-ci sont loin de constituer le point essentiel, ni même le point de départ de la révolte d’avril 2001. En officialisant la langue berbère comme langue nationale (mesure confirmée par le parlement), le président Bouteflika a encore tenté d’opposer les arabophones et les Kabyles, déclarant notamment qu’il le proposait « malgré l’opposition de la majorité des Algériens ». Du coup cette concession et quelques autres, comme l’indemnisation des familles des victimes de la répression et le retrait de certaines brigades de gendarmerie, loin d’apaiser la révolte, sont apparues comme une manoeuvre de plus. Dans la lignée de la mascarade de « dialogue » que Bouteflika avait prétendu instaurer avec des « délégués » de Kabylie mais choisis par lui et absolument pas reconnus par la population en lutte.

Nargué par cette révolte qui refuse de se soumettre, le pouvoir algérien a donc choisi de réprimer violemment. Dans la nuit du lundi 25 mars, les CNS (les CRS algériens) ont investi le siège de la coordination de Tizi Ouzou, capitale de la Kabylie, saccagé les locaux et procédé à l’arrestation de délégués du mouvement (délégués désignés par les comités pour participer aux coordinations qui refusent de marcher dans le faux « dialogue » et ont appelé au boycott des élections législatives annoncées pour le 30 mai, boycott approuvé par la majorité de la population). Depuis cette date, la Kabylie tout entière est quadrillée par les forces de répression, policiers et gendarmes, lançant la chasse aux « meneurs d’émeute », arrêtés dans la rue ou à leur domicile, terrorisant les familles. Pourtant les manifestations pour la libération des délégués emprisonnés ont continué. A Tizi-Ouzou, les manifestants qui avaient franchi le barrage des CNS à coups de pierre, ont compté 3 morts dans leur rang.

Si le pouvoir algérien veut écraser la Kabylie par la force, c’est qu’il craint toujours une généralisation de la révolte à toute l’Algérie. D’autant plus que la persistance d’un mouvement populaire peut encourager la classe ouvrière - dont l’entrée en scène changerait radicalement la donne politique - au moment où le pouvoir algérien, de concert avec l’impérialisme, se prépare à attaquer celle-ci. Car c’est un vaste programme de privatisations qui est projeté, englobant le secteur des hydrocarbures, au travers duquel la clique des généraux veut légitimer sa possession des richesses du pays en commun avec les exploiteurs français ou américains. Ceux-là, en total accord avec les dirigeants algériens, n’ont donc qu’un désir : voir la révolte de Kabylie s’étioler, que se soit à cause de son isolement ou sous les coups de la répression. Raison de plus pour dénoncer ici en France les crimes de l’Etat algérien, la complicité des dirigeants français, et affirmer notre solidarité avec la population qui lutte là-bas !

Simone CANETTI

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