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A la SNCF ou ailleurs, la direction CGT roule aussi pour Raffarin

2 novembre 2004

Raffarin s’est déclaré « très heureux de l’accord sur la prévention des conflits sociaux à la SNCF », texte qui a été signé non seulement par les syndicats CFDT, CFTC, UNSA, FGAAC, mais aussi par la CGT. Seul FO a refusé de signer, tandis que SUD se réserve un temps de réflexion. Mais c’est sans aucun doute l’aval de la CGT qui fait tout le bonheur d’un Raffarin, comme de son ministre des transports de Robien, lequel a qualifié cet accord d’historique.

Ainsi ce gouvernement de droite, qui a fait passer le plus de mesures anti-ouvrières (dont le recul sur les retraites et la protection santé) de ces dernières décennies, qui a encore sur le feu un projet permettant aux patrons d’accélérer les licenciements collectifs et un autre pour charcuter le droit du travail dans le sens réclamé par le Medef, sera celui qui aura obtenu l’attitude la plus conciliante du syndicat le plus influent du pays, considéré – à tort ou à raison – comme le plus combatif.

Cet accord prévoit, à différents niveaux, avant le déclenchement de toute grève, une rencontre entre syndicats et direction dans un délai de trois jours. Il s’ensuit une période de dix jours ouvrables consacrée à la négociation, clôturée par un relevé de conclusions transmis à l’ensemble du personnel. Un « délai de prévenance » de 24 heures est exigé avant l’engagement de toute action gréviste. Ce dispositif revient donc, dans les faits, à allonger le préavis de grève – déjà de cinq jours depuis une quarantaine d’année, il avait été imposé dans les services publics par une loi contre la volonté des syndicats – à deux voire trois semaines. Qu’est-ce donc que cet accord sinon une limitation plus importante du droit de grève ?

Cela n’empêche pas l’Humanité du 28 octobre de titrer « La CGT coupe l’herbe sous les pieds du gouvernement », reprenant l’affirmation du secrétaire de la fédération des cheminots CGT, Didier Le Reste, selon laquelle « l’amélioration du dialogue social et la prévention des conflits » ce n’est pas « le service minimum ». Evidemment comme pour chacune des attaques contre les travailleurs et leurs droits, le gouvernement avait commencé par présenter un « programme maximum » comprenant au travers du rapport Mandelkern – qui a fait office de combustible depuis près de deux ans dans les négociations syndicats-direction à la SNCF – des dispositions comme l’obligation pour les grévistes de se déclarer 48 heures à l’avance, ainsi que la mise sur pied d’un service minimum. La discussion se déroulant sous la menace de faire voter une loi par le Parlement.

Si face aux offensives du gouvernement, lui « couper l’herbe sous le pied » consiste à se coucher devant lui avant le combat, on n’en a pas fini de faire son bonheur.

Dorénavant une loi sur le service minimum est considérée par Raffarin comme « devenue inutile » … « si les autres entreprises (de transports) devaient suivre l’exemple de la SNCF ».

Une victoire syndicale cette moindre probabilité d’une loi ?

C’est sur cette affirmation que Didier Le Reste, et derrière lui Bernard Thibault, essaye de justifier et faire passer le paraphe de la CGT. Il n’est heureusement pas dit que les dirigeants de cette dernière réussissent à faire avaler la couleuvre aussi facilement qu’ils le souhaitent par les militants cheminots CGT, dont certains avaient tenu, avant même la décision des organismes au sommet, à faire connaître leur totale opposition à la signature.

La signature de la CGT peut incontestablement peser sur les possibilités de lutte à venir. Car bien des militants, en dépit de nombreuses démonstrations faites par la direction de la CGT freinant ou s’opposant carrément à des grèves – et notamment encore lors de conflits récents comme la grève des conducteurs sur l’application des 35 heures en mai 1999 ou celle sur les retraites du printemps 2003 – veulent croire jusqu’à présent qu’ils bénéficieraient du soutien de leur appareil dirigeant lorsqu’ils veulent en découdre ; et s’ils n’y croient plus, ils risquent de baisser les bras. Là serait l’effet le plus néfaste de l’accord. Mais heureusement, celui-ci pourrait aussi bien révéler rapidement ses limites si les militants et les travailleurs eux-mêmes refusent de se sentir engagés par la signature des directions syndicales.

Bien des exemples montrent en effet qu’il ne suffit pas que les syndicats et les patrons s’entendent pour empêcher les grèves. Et le dernier en date est celui d’Opel Bochum où, les travailleurs n’ont demandé à personne l’autorisation non seulement pour bloquer la production de leur usine, durant six jours, mais encore paralyser en conséquence d’autres sites du groupe, ailleurs en Allemagne et en Europe. Et pourtant en Allemagne le droit de grève est bien plus encadré qu’il ne le sera dorénavant à la SNCF.

Avis donc aux amateurs de « grèves sauvages ».

Louis GUILBERT

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