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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 77, septembre-octobre 2011 > Crise de la dette, crise du capitalisme !

Crise de la dette, crise du capitalisme !

2008-2011 : Comment le ciel de la finance nous tombe sur la tête

Mis en ligne le 25 septembre 2011 Convergences Économie

Il a suffi qu’une agence de notation, le 6 août dernier, enlève un malheureux « A » sur trois à la cote qu’elle attribue à la dette américaine, pour que les bourses mondiales reprennent leur yoyo, faisant plonger les « capitalisations boursières » des banques impliquées dans les échafaudages de dettes publiques et privées, et « produits dérivés » bâtis sur elles, mais aussi de groupes industriels. Sans qu’aucun capital réel, aucune usine, aucune machine n’ait disparu pour autant. De simples artifices financiers donc, de prime abord, mais qui peuvent, de fil en aiguille, bloquer l’économie de la planète.

Et il a suffi de ce vent de panique, ou de mauvaise humeur du monde de la finance, déclenché début août, pour qu’on annonce aux classes populaires qu’elles allaient devoir payer la note, une fois de plus.

Vent mauvais parti des USA…

Faux point de départ de la nouvelle crise, l’endettement des USA n’est pas ce que les financiers, banques et autres Hedge funds craignent le plus : aucun d’eux ne croit à une faillite de l’État américain, même s’il est le plus endetté du monde. D’autant qu’Obama a pris les devants, en marchandant avec les Républicains le relèvement du plafond autorisé de la dette fédérale américaine scellé le 1er août… sur le dos des classes populaires : réduction des dépenses publiques de 2 400 milliards de dollars sur les dix ans à venir (900 milliards déjà programmés, et 1 500 autres encore à négocier entre Républicains et Démocrates), dont la réduction de 4 % de l’assurance santé des retraités et nécessiteux (Medicare). Ingrate agence Standard & Poors qui quatre jours plus tard lui fichait une sale note !

En réalité c’était un signal symbolique et un prétexte bien commode pour les gouvernements. Car depuis le printemps déjà, les dettes publiques, y compris celles des grands États, étaient sur la sellette : les créditeurs, en mal d’autres placements, en voulaient de plus grands rendements, tout en incitant les États à de nouveaux plans d’austérité profitables non seulement aux financiers mais au patronat en général. Exigence entendue cinq sur cinq par les gouvernements. À commencer par le nôtre, de Fillon-Sarkozy.

Le mardi 9 août, la banque centrale américaine rassurait une fois de plus les investisseurs en annonçant qu’elle n’augmenterait pas ses taux directeurs (les taux extrêmement bas des prêts qu’elle concède aux banques). Au mépris du « A » de fiabilité perdu, une nouvelle émission de dette de l’État américain de 32 milliards de dollars s’arrachait le même jour, avec trois fois plus d’offres de prêts que le montant de l’emprunt demandé. On prête aux riches. Et les titres de la dette américaine restent des valeurs sûres, qu’on peut mettre dans ses coffres pour affermir son bilan… et garantir ses autres prêts plus risqués, plus spéculatifs, mais sur lesquels on peut gagner gros.

C’est donc pour l’instant sur les dettes des maillons dits faibles, Grèce, Espagne, voire Italie, qu’on spécule pour les rendre plus juteuses en faisant grimper les taux d’intérêts imposés aux États concernés. Avec pour les spéculateurs, des risques limités. Car l’avantage des dettes publiques sur les dettes privées, celles de l’immobilier par exemple qui ont provoqué le krach précédent de 2008, c’est que les États pensent avoir toujours les moyens de faire payer leurs populations, à moins que celles-ci ne se révoltent. Avec la garantie supplémentaire pour les pays européens les moins riches, que les grands pays de l’Union Européenne (UE) soient plus ou moins contraints de s’en porter garants.

Mais déjà avis de tempête contre les maillons faibles…

La petite Islande était présentée comme un modèle du miracle économique depuis que ses trois principales banques avaient été privatisées en 2003, même si sa dette publique avait commencé à grimper en flèche. Cette île de 330 000 habitants étant trop petite pour leurs ambitions, ces banques privées avaient ouvert des succursales en Grande-Bretagne et en Hollande, s’étaient lancées dans l’achat des produits financiers momentanément les plus rentables, avant d’être ruinées par la crise des subprime. Qu’à cela ne tienne, début octobre 2008 l’État islandais les renationalisait en même temps qu’il recevait une aide du FMI contre l’engagement de rembourser non seulement les dettes de l’État mais celles aussi des trois banques vis-à-vis de leurs clients à l’étranger. Ce qui n’est pas fait, le gouvernent ayant été paralysé par deux votes contre le remboursement de la dette d’une population qui a déjà chèrement payé la faillite, notamment par une dévaluation de 50 % de la monnaie nationale qui a fait bondir les prix. Mais, pour alléger la dette d’État, la principale activité industrielle du pays, la production d’électricité par géothermie, a été privatisée. Vendue en 2010 à un trust canadien. Les huissiers commencent donc à se servir.

Les pays de l’ancienne Europe de l’Est, nouvelles terres d’investissements pour les banques et les entreprises occidentales, se trouvaient eux aussi fortement endettés. Les banques prêteuses pouvaient craindre d’y perdre encore des plumes. Et c’est le FMI, en alliance avec l’Union européenne pour certains pays, qui a momentanément pris le relais des prêts, accompagnant toujours son aide des mêmes attaques contre la population : en Hongrie, hausse de la TVA de 5 %, recul à 65 ans de l’âge de la retraite, gel du salaire des fonctionnaires et baisse des retraites ; en Roumanie, baisse des salaires de 25 % et suppression de 100 000 emplois dans la fonction publique, hausse de la TVA de 19 % à 24 % tandis que les impôts sur les sociétés passaient de 25 % en 2000 à 16 % en 2009 ; avec une taxation au plus bas et un salaire minimum à 145 euros, Renault et son usine Dacia vont bien. Les populations de Serbie, Lettonie, Ukraine ont dû aussi subir les huissiers du FMI, avec des exigences semblables, baisses des salaires et retraites, privatisations en échange d’un prêt. Et gare au gouvernement qui ne réussirait pas à tenir le timing du programme demandé : aussitôt menacé de suspension des prêts promis.

C’est bien sûr la Grèce dont la dette, depuis la fin de l’année 2009, fait la Une de l’actualité et le casse-tête des chefs d’États de l’UE. Pas parce qu’il aurait fallu la sauver en soi, pays relativement petit dont l’économie ne représente que 2 % de celle de l’UE, mais parce qu’il fallait sauver les grandes banques françaises et allemandes fortement investies dans sa dette, et parce qu’il fallait protéger la zone euro d’un éventuel éclatement ou d’un coup de panique de la finance face à une déclaration de faillite. Mais si l’UE, avec l’aide du FMI, n’a pas lésiné sur les moyens financiers prétendus « d’aide à la Grèce », elle n’a pas non plus lésiné sur les mesures à imposer à la population grecque, avec plusieurs plans d’austérité successifs suscitant à chaque fois grèves et violentes manifestations de rue. Quant aux financiers prêteurs à la Grèce, ils obtenaient la montée en flèche des taux d’intérêts qu’ils convoitaient, et leur garantie par l’UE, du moins pour un temps. De quoi rendre ces prêts plus attractifs et rentables. Les maillons faibles devaient rapporter gros.

L’Irlande, l’Espagne, le Portugal, l’Italie ont été les suivants sur la liste des présumés mauvais payeurs à qui les grandes banques privées n’allaient plus accorder de prêts… sauf montée de leurs taux d’intérêt. L’Irlande, qu’on présentait jusque-là comme un nouveau « tigre », parce que le bas niveau des salaires, des protections sociales et du taux d’imposition des entreprises lui avaient attiré les investisseurs étrangers, a vu son déficit budgétaire et sa dette bondir pour cause de renflouement de ses banques suite à la crise de 2008. L’Espagne n’était pas plus endettée que bien d’autres : 53 % de son PIB en 2009, moins en proportion que la France ou l’Allemagne. Mais pour les États comme dans la vie privée, il n’y a pas de critère absolu de surendettement : c’est votre banquier qui vous décrète en faillite quand il estime ne plus avoir avantage à vous prêter.

C’est la crise de l’immobilier, bloquant le secteur de la construction qui représente 17 % du PIB et 14 % des emplois, qui a plongé le pays dans la récession dès 2008. Le chômage y est brutalement passé de 2 millions de chômeurs en 2007 à 4,6 millions au premier trimestre 2010, soit 20 % de la population active. Les mesures d’austérité du gouvernement socialiste, contre les salaires, les retraites, les allocations chômage, les budgets publics, ainsi que les cadeaux au patronat — assouplissement des règles de licenciements, privatisations —, ont soulevé la colère.

La France n’a pas échappé à la tempête. La crise de 2008 ne s’est pas seulement traduite par un accroissement du déficit public dû au renflouement des banques. Dès l’automne 2008, le patronat, notamment celui de l’automobile, s’est saisi de la crise et des prétendus crédits bancaires manquants pour demander l’aide financière de l’État (3 milliards pour chacun des deux constructeurs), mais aussi pour supprimer des emplois et pratiquer largement le chômage partiel. Et les voilà aujourd’hui qui se saisissent de la dette publique qu’ils ont contribué à creuser, pour annoncer de nouveaux plans de réduction d’effectifs (comme vient de le faire le PDG de PSA), en prévision d’une baisse de la demande que les mesures d’austérité pourraient provoquer.

Nouvelles coupes budgétaires dans les services publics et les services sociaux d’un côté. Nouveau blocage voire baisse des salaires, restructurations et licenciements, de l’autre, sans parler d’une reprise de l’inflation que certains avancent comme une des solutions possibles pour abaisser les dettes souveraines à coup de planche à billets. Voilà ce que la nouvelle crise nous annonce.

Olivier BELIN

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