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2 millions dans la rue... demain on continue

29 mars 2006

L’affluence aux manifestations « anti-CPE » de ce mardi 28 mars a été record. Pour cette quatrième journée à laquelle les confédérations syndicales appelaient à la rescousse du mouvement étudiant puis lycéen entamé il y a huit semaines, quelques 2 millions de travailleurs et de jeunes sont descendus dans la rue. C’est le chiffre de la Une des Echos, quotidien pro-patronal, qui fait la moyenne entre le million donné par la police et les 3 millions donnés par les organisateurs. Mais à coup sûr, la participation à cette journée dans les quelque 250 cortèges du pays, a avoisiné celle des plus grosses manifestations de ces dernières décennies... en particulier de celles qui avaient fait reculer les gouvernements d’alors.

C’est bien le crescendo dans la mobilisation contre le CPE, mais aussi contre le CNE imposé par ordonnance l’été dernier et contre la loi dite d’égalité des chances dont le CPE est un amendement. Ce que soulignait dans les cortèges, calicots, pancartes et slogans des organisations de jeunesse en lutte. A Marseille par exemple, étudiants et lycéens venaient en tête derrière une immense banderole « Tous ensemble contre la loi sur l’égalité des chances ».

Ce mouvement s’oppose bien en effet à un dispositif législatif qui vise autant les jeunes que les travailleurs plus anciens. Car si les moins de 26 ans seraient immédiatement lésés par l’amendement sur le CPE qui donnerait au patronat des moyens légaux de les précariser davantage, ou par les articles généralisant l’apprentissage à 14 ans ou le travail de nuit à 15 ans, l’ensemble de la loi est annoncée comme une étape vers un « contrat unique » du même genre. Le gouvernement, tout au service d’un patronat qui dégage pourtant des profits fabuleux et jamais atteints, lui promet de nouveaux allégements de « charges » et une marche forcée vers la légalisation de la précarité. Ce qui signifie des emplois intermittents ou à temps partiel, mais aussi des salaires toujours plus bas.

La jeunesse a cette conscience-là. Pas un hasard si elle scande dans ses cortèges son « non » à ce « C comme chômeurs, P comme précaires et E comme exploités ». Pas un hasard si ses assemblées générales et ses coordinations locales ou nationales, incitent à aller vers les travailleurs. Pas un hasard non plus si elle trouve toujours et partout de la sympathie à la porte des entreprises ou sur les marchés populaires. A quand le vrai « Tous ensemble » ? Les travailleurs sont descendus chaque fois plus nombreux dans la rue. Certes, leurs confédérations, unies, les y appelaient. Mais l’élan de la partie mobilisée de la jeunesse a une plus grande force d’attraction encore. Beaucoup de ceux qui ont fait grève ce 28 mars, autant dans le public que dans le privé, étaient d’abord « solidaires » de leurs propres gosses dont ils sont les premiers à payer les difficultés à étudier et trouver du boulot, mais beaucoup aussi ont conscience que le combat les concerne directement. Qu’ils ont, le plus vite possible, à répondre aux coups pris dans la gueule ces dernières années, non de la part des « casseurs » dont on grossit les méfaits avec complaisance pour effrayer, mais des gouvernements de gauche comme de droite, et sous tous les angles : licenciements, retraites, santé, services publics privatisés, salaires...

Et la suite ? C’est évidemment la question.

Villepin multiplie les invites au « dialogue social » tout en assurant qu’il ne retirera pas son CPE ! Résultat, une fin de non-recevoir des confédérations et un blocage que même ses amis politiques commencent à trouver vinaigre. Sarkozy est en embuscade. Petites phrases sournoises contre Villepin. Lui, Sarkozy, aurait été « ferme » mais pas « rigide » ! Lui s’est propulsé en fin de manifestation place de la République à Paris, en raison d’incidents... moindres que d’autres pour lesquels il n’avait pas jugé bon de faire le déplacement. Alors quelle issue ? Sarkozy ? Un avis défavorable du Conseil constitutionnel qui renverrait à la case départ ? Un jugement de Chirac qui pourrait amener à la « relecture » d’une loi pas encore promulguée ? Une chose est sûre en tout cas : si les opposants au CPE maintiennent leur mobilisation - et c’est bien parti pour cela, chez les jeunes comme les travailleurs, regonflés qu’ils sont par le succès d’hier - le gouvernement devra céder.

De Villepin et ses amis du monde politique ou patronal n’ont pas tout vu. Pas envie de tout voir non plus, pour certains qui préféreraient qu’il arrête les frais. Mais rien ne dit qu’il ne soit pas trop tard. Et que tous ensemble, jeunes et travailleurs n’aient déjà pris goût à rendre les coups, tous les coups, enfin.

Sauf nouveauté de la part de Matignon ou de l’Elysée, les confédérations syndicales qui se réunissent ce mercredi 29 mars vont envisager une suite. Ce pourrait être de reprendre la date du 4 avril prochain, proposée par la coordination nationale étudiante du dernier week-end à Aix-en-Provence. Des porte-parole de celle-ci sont d’ailleurs invités à l’intersyndicale. Une nouvelle journée, puisque c’est ce qui marque et rythme à ce jour le mouvement, pourrait être encore plus massive que les précédentes, et entraîner cette fois à une grève qui deviendrait contagieuse, générale et irrésistible.

Michèle VERDIER

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