Au déclenchement des hostilités, l’état-major promettait un conflit de trois mois. Les salariés quittaient les usines pour aller au front et la désorganisation de la guerre créait 600 000 chômeurEs à Paris en quelques semaines. L’État obligeait, par un décret du 2 août 1914, le million d’étrangers vivant en France à demander un permis de séjour. Quatre mois plus tard 45 000 étrangerEs étaient parqués dans des « camps de concentration » (selon les termes officiels).
Sauf que la guerre ne dévore pas seulement les hommes. Elle bouffe aussi de l’acier et des chars. De 50 000 ouvriers dans les usines d’armement de 1914, on passera à 1,5 million en 1918. Dans ce contexte, 300 000 étrangers, venus des pays neutres, travaillent pour l’industrie et 150 000 dans l’agriculture pour remplacer les hommes partis combattre. 225 000 ouvriers viendront de l’empire colonial, tandis que 480 000 « indigènes » seront destinés à « mourir pour la France » à Verdun ou ailleurs. Quand leurs intérêts l’exigent, les bourgeois sont prêts à oublier provisoirement leurs préjugés.